Antton Rouget
Journaliste
UNION DU MOUVEMENT CORSE

Les nationalistes corses veulent s’installer durablement au pouvoir

0Un an et demi après son élection inattendue à la tête de la Collectivité de corse, le mouvement nationaliste continue à se renforcer dans la perspective du prochain scrutin de décembre. Après avoir fait élire trois députés nationalistes à l’Assemblée nationale, autonomistes et indépendantistes rêvent de devenir majoritaires sur l’île.

La grande offensive a démarré en Corse. Dans l’île de Beauté, les forces nationalistes sont parvenues aux responsabilités locales en 2015 et ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin.

Après avoir fait trembler Paris en envoyant pour la première fois trois députés autonomistes à l’Assemblée nationale en juin dernier, l’arc nationaliste - allant des indépendantistes aux régionalistes - profite de l’été pour préparer son prochain combat électoral. Dans sa ligne de mire : les élections territoriales de décembre pour la composition de la collectivité unique de Corse au 1er janvier 2018. Un scrutin à travers lequel le mouvement nationalsite souhaite se maintenir aux commandes de l’île afin de muscler le rapport de force avec le gouvernement central.

Si les nationalistes se prennent à se rêver en force de gouvernement, c’est que la donne a radicalement changé depuis 2015. Cette année-là, contre toute attente, une coalition rassemblant autonomistes et indépendantistes derrière le maire de Bastia Gilles Simeoni remportait d’une courte tête les élections territoriales et s’installaient à la tête de la collectivité.

Ce succès fut incontestablement le fruit de l’essoufflement des partis traditionnels (gauche et droite françaises), gangrénés par le notabilisme et la corruption. Mais pas que.

Car l’avancée électorale du mouvement nationaliste dispose également de racines plus profondes. Avant sa victoire de 2015, même si elles réalisaient des résultats modestes, les forces régionalistes et indépendantistes - longtemps divisées - ont irrigué la société corse de propositions sur les problèmes du foncier ou de la perte de la langue. Au départ marginales, ces solutions ont par la suite polarisé le débat local autour d’une question centrale : celle des compétences dont disposent l’île de 320 000 habitants pour assurer son propre développement.

L’effacement du discours idéologique derrière une approche pragmatique a incontestablement permis de rallier de nouvelles couches de la société. Et ce mouvement semble aujourd’hui se poursuivre depuis les élections de 2015. “Nos adversaires nous ont souvent dit qu’on ne se préoccupait que des institutions et pas du développement économique et social. Nous répondons qu’il est impossible de séparer les deux car un pays qui n’a pas les institutions lui permettant de maîtriser son développement économique et social ne peut avancer. On nous a aussi reproché d’être plus dans l’idéologie que dans l’action. Mais nous sommes dans une démarche concrète ! En même temps, nous portons un idéal, celui qui justifie notre engagement. La volonté que le peuple corse soit reconnu dans ses droits et puisse construire une société à la fois démocratique et émancipée” a ainsi résumé, début juillet, Gilles Simeoni dans les colonnes de Libération. À la tête de l’île depuis un an et demi, son bilan est d’ailleurs unanimement salué. Les résultats électoraux donnent aujourd’hui raison à sa stratégie. Après avoir raflé la collectivité en 2015 avec 35,34% des voix au second tour, les nationalistes sont parvenus à faire élire en juin trois députés (sur quatre élus dans l’île) à l’Assemblée nationale au moment même où une immense vague en faveur d’Emmanuel Macron balayait le reste de l’Hexagone.

Les nationalistes sont aussi en passe de rendre majoritaires leurs propositions sur plusieurs sujets. “La quasi-totalité des Corses sont nationalistes, même s’ils ne revendiquent pas cette étiquette. Pour eux, la certitude qu’il existe un peuple avec sa langue, ses intérêts, sa capacité à maîtriser son destin est une évidence” avance ainsi Gilles Simeoni en insistant sur le rôle clef de l’annonce de l’arrêt de la lutte armée par le FLNC dans ce contexte : “Nos idées ont gagné, en partie parce que nous avons réaffirmé que le seul chemin qui vaille pour nous est celui de la démocratie, du respect de toutes les opinions, même quand elles ne sont pas les nôtres. Le tout en réaffirmant que ce sont les Corses et eux seuls qui décideront de ce que doivent être leur présent et leur avenir.”

Dans l’espoir de s’installer durablement, le mouvement nationaliste fourbit ses armes à l’approche des élections de décembre. “Nous devons rassembler et associer des corses qui, même s’ils ne sont pas nationalistes aujourd’hui, ont vocation à nous rejoindre. Il n’y a aucune crainte à avoir, seulement une perspective à ouvrir ensemble” a insisté, au début de l’été, Jean-Christophe Angelini, autre leader nationaliste, au moment même où les partis autonomistes de l’île scellaient un accord entre eux. Le porte-parole indépendandiste Jean-Guy Talamoni lui a emboîté le pas, début août, à l’occasion des journées internationales de Corte : “Sur la question de l’union, il n’y a plus de discussions ni à Corsica Libera [indépendantistes] ni a Femu a Corsica [autonomistes] : l’union va être reproduite.” “Nous savons qu’il y a une forte volonté des militants, des sympathisants et même des Corses qui n’ont pas encore rejoint notre majorité de voir les nationalistes demeurer unis. Je pense que la dynamique qui a été lancée a vocation à se poursuivre et à se renforcer” a-t-il aussi souhaité.

Si l’union des autonomistes et indépendantistes dès le 1er tour (ou uniquement au 2nd) reste en débat, la machine est elle déjà lancée.