Victor PACHON
Président du Cade
TRIBUNE LIBRE

Le Cade s’oppose au projet d’interconnexion électrique dans le Golfe de Gascogne

Un projet d’interconnexion électrique entre l’Etat français et l’Etat espagnol partant de la région de Blaye, franchissant 85 kilomètres enterrés dans le Médoc puis sous-marin dans le Golfe de Gascogne jusqu’à la région de l’ex-centrale nucléaire de Lemoniz près de Bilbao est actuellement présenté au public.

Ce projet s’appuie sur une décision non-contraignante du Conseil européen fixant les interconnexions électriques des Etats membres à 10% de leur capacité de production. Les documents présentés affirment que “les besoins d’échanges de part et d’autre sont de plus en plus importants”.

Pour le Cade et les autres membres du Réseau de Soutien Mutuel en Réponse aux Mégaprojets Energétiques, ces interconnexions sont inutiles hors de prix et nuisibles !

Une capacité déjà excédentaire

En 2014, la France avait une capacité de production installée de 129 GW et n’en consommait que 82.

L’Espagne avec une capacité de production installée de 103 GW n’en consommait que 40.

De plus, la consommation électrique n’augmente pas: “la tendance à la stabilisation de la consommation annuelle d’électricité est constatée pour la sixième année consécutive en France”, dit RTE. En Espagne, la consommation a chuté de 11 % entre 2008 et 2014. L’interconnexion actuelle est largement suffisante et récemment accrue.

La France a déjà atteint ses 10 % 

La France a dépassé ses 10 % (11,3 dit le document de présentation). D’autant plus qu’il existe d’autres projets: 700 MW avec l’Irlande, 1 000 MW avec la Belgique, renforcement avec l’Allemagne, 3 projets avec la Suisse de 500 MW, 600 MW et 1 000 MW.

Les documents du projet annoncent que l’Espagne n’en serait qu’à 6,5 % par rapport à une capacité de production de 103 GW mais de 17,7 % par rapport à sa consommation maximale.

Solidarité ou spéculation

Le document évoque la solidarité entre les Etats mais qu’en est-il réellement ? Les échanges entre la France et l’Espagne sont très nettement en faveur de la France. Etonnant quand on sait que l’Espagne a une énorme surcapacité de production. L’explication est la suivante, les compagnies électriques privées espagnoles achètent de l’électricité d’origine nucléaire à la France car dans le prix de revient du nucléaire on ne compte pas le démantèlement des centrales et les milliers d’années de surveillance des déchets nucléaires (facture léguée aux générations futures). Le prix est bien plus bas qu’en Espagne. En achetant de l’électricité (82 % du temps) et en la revendant plus cher en Espagne, les opérateurs espagnols font une marge importante aux dépens du consommateur. C’est de la pure spéculation.

Dommages collatéraux

La France, achète à l’Espagne un peu de l’électricité issue d’énergie renouvelable pour satisfaire ainsi en partie la demande sur ce secteur. Mais les effets induits sont les suivants : à quoi bon sortir progressivement du nucléaire puisque nous avons des clients ? A quoi bon investir dans les énergies renouvelables puisque l’Espagne nous en fournit ? Ce projet est donc finalement une incitation à ne pas sortir du nucléaire et un obstacle au déploiement d’une véritable politique d’énergies renouvelables en France.

Dégâts environnementaux

De nombreuses études indépendantes (dont l'OMS) ont démontré que les lignes THT (même enterrées) génèrent une pollution électromagnétique.

De plus, les lignes THT provoquent aussi des dégâts environnementaux de par la nécessité de maintenir un espace dégagé autour des câbles. Ceci cause un impact significatif sur les paysages et altère la flore et la faune des écosystèmes traversés

Un projet peut en cacher d’autres

Le document évoque aussi d’autres étapes avec deux autres projets terrestres de 2 GW chacun cette fois entre Cantegrit (près de Morcenx) et la Navarre passant dans les scénarios envisagés par la côte ou par la vallée d’Arnéguy et de Marsillon (près de Lacq) en direction de l’Aragon, sans doute par la vallée d’Aspe ou la vallée de Gavarnie.

Vers un géant européen de l’énergie

Ces méga-projets s’inscrivent dans une logique de construction d’un géant européen de l’énergie qui s’installera vraisemblablement dans les états européens où l’on paiera le moins d’impôts. Cela affaiblira voire éliminera notre service public de l’électricité qui se contentera d’un “rôle de passeur d’énergie”.

Ainsi, pour le Cade, il n’est pas opportun d’augmenter de manière disproportionnée le taux d’interconnexion aux coûts importants car les capacités actuelles sont suffisantes. Il est préférable de continuer de manière volontariste sur la piste des économies d’énergie pour diminuer une consommation stable à ce jour. Il est préférable de continuer d’investir sur la piste du stockage électrique.

Nous souhaitons un arrêt progressif du nucléaire qui doit inciter à développer les énergies renouvelables en France sans dépendre des autres pays.

Il est par contre nécessaire d’augmenter les efforts en direction de l’autoconsommation basée sur des énergies renouvelables avec un minimum de réseau à étendre en local et régional, pas intercontinental.

Un site pour s’opposer

Le Cade appelle donc les citoyens à signifier leur opposition au projet d’interconnexion sur le site internet de la concertation inelfe.eu/fr/projets/golfe-de-gascogne.