Gilles CHAUDIERE
Secrétaire de l’association Kanetakoak
TRIBUNE LIBRE

Lettre ouverte au maire d’Hendaye

C’est avec satisfaction que nous avons appris que la tâche faite depuis si longtemps dans notre quartier par les bâtiments en ruines de la rue du Port allait être effacée. Vous avez délivré au COL – Comité Ouvrier du Logement, société coopérative de production d’HLM – le permis de détruire et de construire qu’il sollicitait.

Vous le savez, Caneta est le cœur populaire de la ville, ce qui reste de son passé lointain, du temps où sur le quai s’activaient passeurs et pêcheurs, là où Pierre Loti, qui a donné à Hendaye une partie de son prestige, a élu domicile, où se trouvaient la Poste, les Douanes et un dispensaire… et où l’avenir retentit à heures régulières des cris et des rires des gamins d’écoles très proches. Mais c’est un quartier, à cause de son ancienneté, de l’instabilité du sol et de sa situation en cul-de-sac, fragile. Vous voulez, dites-vous, le revitaliser et le densifier, et vous avez choisi dans ce but de faciliter deux projets immobiliers dont la réalisation demanderait au bas mot quatre années de gros travaux.

Monsieur le Maire, nous regrettons que les gens du quartier et Kanetakoak n’aient pas été appelés à en débattre en connaissance de cause. Nous ne sommes ni juristes, ni architectes, ni urbanistes. Nous sommes de simples citoyens mais nous aurions apprécié de livrer le fruit d’une première réflexion, menée sur la base des réponses aux courriers qui vous ont été adressés, d’enquêtes, d’études et d’échanges comme celui auquel, sur notre demande, le COL a bien voulu se prêter le 13 octobre dernier.

Alors, nous vous aurions dit que :

– si l’autorisation de détruire le n°37 de la rue du Port (maison René Enea) se confirme, à cause de la “fragilisation” que des excavations réalisées dans le sous-sol voisin auraient infligée au bâtiment, nous craignons pour les bâtiments des n° 35 à 27 – tous classés et qui s’appuient les uns aux autres – quand il s’agira de retirer à cette colline, elle-même réputée instable, quelque milliers de mètres cube et de creuser de plus de 4 mètres sous le niveau de la rue à hauteur du n° 35 pour construire le parking souterrain prévu sous toute la surface de la résidence. Ces risques n’auraient-ils pas pu être étudiés bien en amont ? Et l’étude devait-elle être laissée aux seuls soins du promoteur ?

Et encore :

– que l’arrivée dans ce fond de quartier de 120 résidents et d’une soixantaine de véhicules (chiffres doublés si le deuxième projet immobilier de la rue Pierre Loti est autorisé) aurait nécessité en amont une anticipation et un plan pour la circulation et le stationnement dans Caneta, en y associant la population concernée.

– que le bétonnage des friches et espaces derrière les bâtiments en ruine accélérerait la disparition progressive des jardins, bandes tampons, et murets dans le centre-ville qui sont autant de témoins du passé, poumons et zones de biodiversité.

Monsieur le Maire, Kanetakoak est satisfait que le projet de la rue du Port soit mené à des fins sociales, et par un organisme ouvert au dialogue. Mais au regard du malaise et des inquiétudes que ce projet a fait naître dans la population concernée, nous vous invitons à repenser l’aménagement de Caneta de manière globale, concertée, démocratique, en y intéressant les habitants du quartier et leurs associations, et de surseoir à la délivrance du permis que sollicite le deuxième promoteur, rue Pierre Loti.

Celui-ci suppose la destruction du dispensaire, classé, la destruction de l’école Saint-Vincent, classée, le creusement de la colline dans les mêmes proportions et avec les mêmes risques que ceux de la rue du Port, l’érection de trois immeubles, l’arrivée de 120 habitants supplémentaires, la fermeture des perspectives sur Fontarrabie et Guadalupe depuis le centre-ville – accroc définitif à “l’ambiance urbaine” du centre historique d’Hendaye !

Monsieur le Maire, notre but est le vôtre : nous voulons accueillir la jeunesse, lui faciliter l’accès au logement, à l’emploi, aux loisirs. Mais à condition que l’essentiel soit préservé : la joie des gens d’habiter ensemble un lieu qu’ils aiment, d’y trouver paix et harmonie, et d’y faire racine.

— Lettre signée par le bureau de l’association Kanetakoak avec le soutien du Cade.