Antton Rouget
Journaliste freelance
LE SEXISME EN POLITIQUE

Les collaboratrices politiques s’organisent contre le sexisme

C’est une première en politique : quelques mois après les accusations d’agressions sexuelles portées à l’encontre d’un député écologiste, une collectif de collaboratrices parlementaires vient de lancer une plateforme visant à recueillir les témoignages des victimes du sexisme en politique. Une première étape face à la gravité de la situation

Àdéfaut d’une révolution des moeurs que beaucoup appellent pourtant de leurs voeux, la classe politique française est traversée par une lente mutation pour venir à bout des comportements sexistes qui la gangrènent.

Quelques mois après l’affaire Baupin qui a vu plusieurs élues et attachées parlementaires dénoncer publiquement des agressions sexuelles de la part d’un député écologiste de leur propre parti, des collaboratrices de l’Assemblée nationale et du Sénat viennent de franchir un nouveau pallier dans l’objectif de libérer la parole des victimes de comportements et agressions sexistes.

Ce mardi, plusieurs d’entre elles ont annoncé la création de «Chair Collaboratrice», la première plateforme ayant pour objectif de recueillir les témoignages de victimes du sexisme au sein des institutions de la République. Une démarche inédite pour lever la profonde omertà qui pèse sur le sujet.

L’enjeu est de taille car, loin d’être marginaux, les faits d’agressions et harcélements dans la sphère politique sont incroyablement courants et banalisés. «L’ambiance générale est mauvaise, disons-le, dans les palais de la République» jugent les collaboratrices à l’origine de la plateforme. «Pour peu que vous soyez une femme, vous vous sentirez vite étouffée par les regards lourds, les sous-entendus graveleux et les réflexions humiliantes qui ne font rire que leurs auteurs».

Les exemples de brimades publiques sont effectivement légions. Au début du quinquennat, l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot avait ainsi dû essuyer les sifflets de l’Assemblée nationale pour s’être présentée en robe dans l’hémicycle. Sa collègue députée Véronique Massonneau avait elle eu droit aux cris de coqs avant de prendre la parole. Tandis que la jeune ministre de l’Education nationale est régulièrement attaquée sur son physique.

Largement dominés par les hommes, de surcroît âgés, le Sénat et l’Assemblée nationale sont ainsi plombées par une ambiance lourde et menaçante à l’égard des femmes. Mais les médias portent aussi une lourde responsabilité en dédouanant les auteurs de remarques ou comportements sexistes, en banalisant la parole des rares victimes acceptant de harcélement voire en contribuant eux-même au phénomène.

La situation est d’autant plus inquiétante que le monde politique est traversé, à intervalles très réguliers, par des scandales gravissimes. En 2011, un an avant la victoire de François Hollande contre Nicolas Sarkozy, l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn à Washington a marqué l’opinion. Or, six ans plus tard voilà l’ancien directeur général du Fond monétaire international pourtant aujourd’hui en passe d’être réhabilité. Une impunité politique qui traverse tous les partis. En 2015, l’élu de droite et ancien ministre Georges Tron a été officiellement renvoyé pour viol devant la Cour d’assises. Tandis qu’il attend la tenue de son procès, l’ancien parlementaire vient cependant d’être investi par son parti pour se présenter aux élections législatives de 2017. Même chose pour le député écologiste Denis Baupin, publiquement mis en cause par au moins huit collaboratrices ou élues de son parti mais qui refuse de démissionner de son poste à l’Assemblée nationale.

Le cas de Jean-Michel Baylet accable enfin le gouvernement. Le ministre de l’Aménagement du territoire, membre du parti radical de gauche, a été visé par une plainte pour l’agression d’une de ses collaboratrices en 2002. «Elle a déclaré que vous l’avez frappée au visage à plusieurs reprises; vous l’avez enfermée et l’avez contrainte, sous la menace de nouveaux coups, à rédiger une lettre de démission», a dénoncé la semaine dernière la députée Isabelle Attard. L’élue –qui a porté plainte contre Denis Baupin pour harcélement sexuel – a ensuite interrogé publiquement Jean-Michel Baylet : «Comment osez-vous vous présenter dans cet hémicycle ?» Son micro a été coupé.