Antton Rouget
Journaliste freelance

La campagne présidentielle se termine dans l’expectative

L’incertitude règne à la veille du premier tour de l’élection présidentielle française. Inquiétude quant à la possible qualification de François Fillon et Marine Le Pen au second tour. Etonnement face à la possible victoire d’Emmanuel Macron, le candidat des vieilles recettes libérales. Espoir tandis qu’un espace politique s’ouvre à la gauche d’un Parti socialiste moribond.

Signe de l’état de déliquescence avancé de la Ve République ou, à l’inverse, prémices d’un nouveau souffle sur le système politique française? Les interprétations divergent pour qualifier le climat politique qui règne sur l’Hexagone à la veille du premier tour de l’élection présidentielle. Après cinq années d’un quinquennat socialiste catastrophique en tout point, on pensait le tapis rouge déroulé à la droite. Mais la multiplication des scandales de corruption, la croissance des inégalités économiques et la résurgence des questions identitaires ont rebattu les cartes. Le pays est fracturé comme jamais, dans le brouillard et sous tension. Nul ne sait qui de Marine Le Pen, François Fillon, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon (les favoris des onze candidats sur la ligne de départ) pourront accèder au second tour dimanche.

À droite, Marine Le Pen et Françoise Fillon sont en pleine crise identitaire. Depuis qu’il est poursuivi pour détournement de fonds publics, le candidat Les Républicains a réorienté sa campagne autour des positions les plus réactionnaires et démagogiques. Celui qui avait remporté la primaire sur un programme de rigueur économique a dû abandonner ce terrain par la force des choses. Ayant tourné le dos à l’électorat modéré qui aurait préféré qu’il renonce à se présenter, Fillon braconne depuis des seamaines sur les terres du FN.

Pas en reste de scandales politico-financiers (l’intégralité des dernières campagnes électorales du Front national sont au coeur d’enquêtes de la justice anticorruption), Le Pen a ainsi dû réinvestir ses sujets de prédiliction (Islam, sécurité, immigration) afin de redonner un coup de fouet à une campagne qu’elle avait a priori axé sur la nécessité de lisser son image en vue du second tour. Les enquêtes annoncent avec constance depuis un an la qualification de Le Pen mais le premier tour révèlera dimanche si Fillon est parvenu à inverser la donne.

En se déportant sur la droite, l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy a ouvert lechamp du centre-droit à Emmanuel Macron. Ce dernier, ancien ministre de l’Economie de François Hollande, domine désormais un arc allant du Parti socialiste (camp social-libéral) aux chrétiens-démocrates. Pour éviter à tout prix un second tour Fillon-Le Pen, sont également venus se greffer à sa candidature d’improbables représentants de la droite traditionnelle mais aussi du Parti communiste. Le programme de Macron, longtemps resté très flou, ne fait pourtant que recycler les vieilles recettes libérales qui échouent depuis quatre décennies.

Face à un PS&punctSpace;moribond et atomisé, un homme rêve d’endosser le costume du sauveur de la gauche. À la tête de la “France insoumise” (héritage du Front de gauche), Jean-Luc Mélenchon a mené une campagne retentissante contre l’austérité. Comme en 2012, le tribun a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans chacun de ses meetings. Renforcé par l’explosion du Parti socialiste (son candidat officiel Benoît Hamon en est devenu inaudible) et par l’exaspération d’une partie de la population, Mélenchon rêve d’accéder au second tour. Même si la “France insoumise’ ne réussit par son pari, cette situation préfigure tout de même une recomposition politique au lendemain de l’élection présidentielle autour de deux pôles. Le premier, assumant clairement les orientations libérales du précédent quinquennat, avec d’Emmanuel Macron. Le second, préconisant une politique keynésienne, autour de Jean-Luc Mélenchon, des écologistes et de la frange contestataire du PS.

Plus à gauche, les scores de Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste) et Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) seront une nouvelle fois symboliques. Mais la gauche radicale n’en demeure pas moins convaincue que l’instabilité née de cette improbable élection lui offrira de nouvelles perspectives.