Antton Rouget
Journaliste
ELECTION PRESIDENTIELLE

Après le PS, la droite conservatrice au bord de l’implosion

Marqué par la qualification d’Emmanuel Macron (centre) et de Marine Le Pen (extrême-droite), le premier tour de l’élection présidentielle a acté l’effacement des deux partis qui gouvernaient la France depuis des décennies. Le parti socialiste poursuit sa dislocation amorcée pendant le quinquennat tandis que la droite menace aussi d’implosion.

Le séisme provoqué par le premier tour de l’élection présidentielle n’a pas fini de faire trembler la scène politique française. Pour la deuxième fois en 15 ans, le Front national est parvenu à se hisser au second tour de la mère des élections de la Ve République. Tandis que l’extrême-droite n’a jamais été si près de prendre les reines du pouvoir, les partis traditionnels qui règnent simultanément sur le pays depuis des décennies sont au bord de l’implosion.

À gauche, l’écrasement du candidat socialiste Benoît Hamon (6,4% des voix, score le plus bas depuis 1969) a fini d’accélérer la partition du PS qui était déjà engagée pendant le quinquennat catastrophique de François Hollande. Morcelé en plusieurs tendances, le PS est voué à la disparition, sauf s’il parvient à recréer un bloc dont le socle dépasserait celui de sa base électorale (avec Emmanuel Macron, sur à droite, ou plus à gauche avec Jean-Luc Mélenchon et les écologistes). Cette sérieuse menace de dislocation touche aussi la droite conservatrice, qui ne résiste plus à ses contradictions béantes depuis l’échec de François Fillon.

Le score enregistré par l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy (20%) dans une élection longtemps jugée imperdable par la droite a en effet exarcébé les tensions. Le récit selon lequel la défaite de François Fillon est uniquement liée aux différentes affaires judiciaires ayant handicapé sa candidature n’a pas tenu deux jours. Dès le lendemain du premier tour, plusieurs ténors de la droite, proches d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, ont ainsi reproché à leur candidat de ne pas avoir mené une campagne suffisament «populaire». La critique ne porte pas seulement sur la forme mais aussi sur le programme d’austérité de François Fillon. Une large partie de la droite dénonce également l’emprise des milieux les plus conservateurs sur son candidat défait. C’est notamment le cas de «Sens Commun», groupuscule issu des mobilisations contre le mariage homosexuel, accusé d’établir des ponts entre la droite traditionnel et le front national.

La fracture idéologique est réelle. Lundi, le bureau politique “Les Républicains” a ainsi dû jouer aux équilibristes pour adopter une position unanime à l’égard du second tour. Au sortir d’une réunion tendue, le parti a adopté une motion appelant à «voter contre Marine Le Pen» mais sans formellement soutenir Emmanuel Macron.

Comme Alain Juppé, Nicolas Sarkozy est allé plus loin que ce texte en annonçant mercredi son soutien à l’ancien ministre de François Hollande face à la menace de l’extrême-droite. Plusieurs figures montantes du mouvement ont aussi fait part de leur disposition à co-gérer le pays avec Macron s’il était élu.

Mais les militants et électeurs du parti semblent bien plus partagés à l’idée de soutenir un ancien collaborateur d’un gouvernement socialiste, pro-européen et libéral sur les questions de société.

La raison de cette résistance à barrer la route à l’extrême-droite est double. D’un point tactique d’abord, la stratégie à mener lors des prochaines élections législatives (en juin) divise. Pour une partie des militants, l’enjeu consiste à construire une majorité à droite et au centre avec Emmanuel Macron, tandis que la seconde moitié du mouvement plaide pour une opposition forte.

La scission est également théorique. Une bonne partie de l’électorat de la droite conservatrice pourrait en effet basculer pour la premier fois dans un soutien affirmé à Marine Le Pen. Après dix ans d’une stratégie (initiée par Nicolas Sarkozy en 2007) visant à faire de l’identité, l’immigration et la sécurité, l’alpha et l’omega de ses orientations politiques, Les Républicains sont débordés sur leur droite par des militants flirtant sans gêne avec le Front national. Comme si la droite avait au fil des ans conditionné un électorat qu’elle ne parvient finalement plus à maitriser.