Antton ETXEBERRI
Edito

La normalisation de l’intégrisme

Comme Mediabask l’a annoncé la semaine dernière, une école dirigée par des catholiques intégristes va ouvrir ses portes le 12 septembre prochain dans une nouvelle enceinte à Etcharry, en Amikuze, dans l’indifférence générale. Cette secte religieuse, qui résidait déjà dans la commune de Domezain, a décidé de s’étendre chez les voisins d’Etcharry en y installant l’ensemble de ses élèves “garçons”, et en ouvrant une section “filles” dans l’établissement de Domezain. Le mélange des genres n’aura donc pas lieu, on ne sait jamais.

L’association propriétaire du château Elgart, l’AFMR d’Etcharry, a décidé d’arrêter son activité de “formateur en milieu rural” concernant le secteur agricole, et ne propose dorénavant que des formations liées au social, toutes proposées sur le site Landagoyen d’Ustaritz. L’association a ainsi présenté comme une aubaine le fait que les intégristes de Domezain souhaitaient acquérir cette propriété, et la vente n’a pas traîné. En un mois, l’affaire a été pliée, l’AFMR d’Etcharry n’a plus qu’à changer de nom, et les intégristes continuent à étendre leur stratégie de développement de leurs idées, par le biais de l’enseignement. Avec le consentement passif de Monseigneur Aillet, qui permet à cette communauté religieuse de célébrer ses prières dans l’église de Domezain, sans même que le prêtre de la paroisse en soit averti.

La rapidité avec laquelle ont été prises ces décisions et surtout les intervenants dans ces transactions interpellent. L’homme à la tête du Conseil d’administration de l’AFMR d’Etcharry n’est autre que Barthélémy Aguerre, ancien conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, suppléant du député Jean Lassalle, et élu en décembre dernier conseiller régional. On peut se demander à quel titre Barthélémy Aguerre occupe la présidence du conseil d’administration de l’AFMR. Les membres de la communauté religieuse annoncent qu’avant l’achat du château Elgart, ils avaient pu visiter les lieux avec le maire d’Etcharry et le conseiller régional. Le Conseil régional, qui est un partenaire de l’AFMR d’Etcharry et finance depuis de très nombreuses années un certain nombre de formations que l’association propose, compte donc un de ses élus qui préside ce centre de formation.

Mais plus que l’aspect légal, c’est bien une question morale qui se pose. L’AFMR d’Etcharry devait-elle vendre son bien à une structure d’extrême droite, aux idées nauséabondes, et dont les valeurs défendues ne laissent que peu de place au doute concernant ses idées ? Barthélémy Aguerre a défendu devant son conseil d’administration la vente de ce bien à des intégristes : après avoir adhéré à l’UDF puis au Modem, puis fait partie du groupe d’élus UMP au Conseil général, pour enfin adhérer à l’UDI qu’il vient de quitter suite à la présence de sa candidature aux dernières élections régionales dans la liste centre-droit de laquelle l’UDI s’était auto-exclue, qu’est-ce qui a donc convaincu Barthélémy Aguerre de mener à bien cette transaction ? L’argent n’a sans doute pas d’odeur, mais cela justifie-t-il la transaction ? Cet acheteur est-il pour l’élu un client comme un autre ?

Le vote pour l’extrême droite a fait un grand bond aux derniers scrutins au Pays Basque. On se souvient que l’actuel président du Conseil départemental, Jean-Jacques Lasserre, avait eu besoin d’un deuxième tour aux dernières élections pour se faire élire dans un canton pourtant organisé à sa mesure, le Front National y ayant atteint un pourcentage à deux chiffres au premier tour. La commune d’Etcharry, elle, avait défrayé la chronique en 2012 : c’était la seule commune du Pays Basque qui avait placé Marine Le Pen en tête au premier tour des élections présidentielles. En ces temps où le matraquage médiatique génère un sentiment d’insécurité, alors que le Front National arrive en tête dans les différents scrutins électoraux, la société a besoin de messages positifs, de rassemblements, d’ouverture vers l’autre. Tout le contraire des principes défendus par ces intégristes. La décision de vendre le château Elgart à cette communauté religieuse est une nouvelle occasion de “normaliser” l’intégrisme. Ce n’est pas à l’honneur de Barthélémy Aguerre d’avoir contribué à cette normalisation.

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