Antton ETXEBERRI
Edito

Une victoire pour le Pays Basque

Depuis cinq semaines, les communes du Pays Basque Nord se prononcent les unes après les autres concernant la création d’un EPCI unique. Alors même qu’un tiers des 158 communes ne s’est pas encore positionné sur la question, les deux conditions émises par le gouvernement français (plus de la moitié des communes devra voter en faveur et ces communes devront représenter plus de la moitié de la population) ont déjà été atteintes. A la fin du mois de mai, une grande majorité de communes aura avalisé la proposition du gouvernement français, et la première institution officielle rassemblant les 158 communes du Pays Basque Nord verra le jour le 1er janvier 2017.

Des réponses inadéquates

Si une intercommunalité unique Pays Basque est loin d’atteindre le niveau de compétences de la Collectivité territoriale à statut particulier réclamé par le Pays Basque, elle est sans aucun doute une avancée historique. Depuis la Révolution française et la création des départements français, la Soule, la Basse-Navarre et le Labourd n’ont cessé d’être noyés dans différentes institutions, que ce soit le département des Basses-Pyrénées rebaptisé Pyrénées-Atlantiques, ou la Région Aquitaine devenue Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes. Jamais l’Etat français n’a jusqu’à aujourd’hui accepté de reconnaître l’existence institutionnelle du Pays Basque Nord ; bien au contraire. Depuis la promesse reniée de création d’un département basque de François Mitterrand en 1981, jusqu’à la création de cet EPCI, les gouvernements français successifs ont fait preuve d’une imagination débordante pour ne pas accorder au Pays Basque Nord l’institution réclamée. Les différentes luttes menées, et dont le moteur a été sans nul doute le mouvement abertzale, ont obligé l’Etat français et ses relais locaux à mettre en place une kyrielle d’ersatz qui se sont finalement avérés assez inefficaces car dotés de trop peu de moyens et surtout d’aucune compétence décisionnelle : ICB, Conseil des élus, du développement, Pays Pays-Basque, SUAT, SISCB, OPLB... A chaque fois, une réponse partielle à la problématique globale. Cela n’aura finalement servi qu’à amplifier la revendication de reconnaissance territoriale.

La démocratie a parlé

Même s’il est encore trop tôt pour faire un bilan global, l’EPCI semble à présent inéluctable. Le vote de chacun des conseillers municipaux souletins, bas-navarrais et labourdins a été précédé d’un long et intense débat. Les partisans des deux camps ne se sont pas ménagés pour convaincre. Du côté des perdants politiques de ce débat, on retrouve les opposants à l’EPCI unique : ceux qui sont apparus publiquement à la tête de l’opposition, et ceux qui ont préféré tirer les ficelles dans l’ombre, afin de mieux réapparaître au moment où l’EPCI se créera. L’appel au rassemblement prôné par le maire de Bayonne, Jean-René Etchegaray, qui fait mine de vouloir oublier les coups bas, déplace le curseur vers ses collègues de Biarritz et d’Anglet, qui ressortiront inévitablement affaiblis du débat. Il sera intéressant de voir l’attitude de ces derniers : oseront-ils postuler aux postes de vice-présidents de la nouvelle structure intercommunale ? Comment le justifieront-ils ? Si ceux-ci disent accepter le verdict des urnes, d’autres s’entêtent encore à vouloir porter le dossier au niveau juridique, avec le seul objectif de gagner du temps et repousser ainsi la création de l’EPCI à l’année 2018, coûte que coûte. Entre temps, les présidentielles passeraient par là, le futur président abrogerait la loi NOTRe, et enterrerait pour de bon les velléités du Pays Basque. Peu importe que le Pays Basque ait parlé, que ses élus aient choisi ce qu’ils souhaitaient pour l’avenir... La démocratie doit savoir être ignorée.

Un premier pas

La création de l’EPCI Pays Basque a ceci d’historique qu’elle permet, pour la première fois, de reconnaître “de manière officielle” le territoire du Pays Basque Nord. C’est aux élus qui y siègeront que reviendra la charge de faire évoluer cette structure, et l’amener de fait vers la Collectivité territoriale que le gouvernement socialiste a toujours refusé d’octroyer au Pays Basque. La mobilisation au Pays Basque a permis ce premier pas, aussi modeste puisse-t-il sembler. Ne boudons pas notre plaisir, il s’agit bien d’une victoire pour le Pays Basque.