Parole au politique
Pako ARIZMENDI, Président d’EAJ-PNB
PAROLE AU POLITIQUE

“Comparer la situation des prisonniers en France et en Espagne est naïf”

Pako Arizmendi. © DR
Pako Arizmendi. © DR

Il faut encourager toutes les initiatives qui facilitent la situation des prisonniers. Mais, il ne faut pas faire l’amalgame entre la situation en France où le droit est appliqué et la situation en Espagne où la pression des associations de victimes est forte. Elle impose à l’Etat espagnol une attitude vis-à-vis d’eux plus dure qu’en France.

Lors de la visite des Artisans de la Paix au ministère de la Justice mi-janvier, N. Belloubet a expliqué que le rapprochement des prisonniers se fera dans le cadre de l’application de la loi française. Un porte-parole du ministère a confirmé que la collaboration avec les autorités espagnoles s’administre en application du code de procédure pénale. C’est alors le comportement en cellule, la situation familiale, l’état de santé et la durée de la peine qui sont les critères essentiels de la situation des etarras en détention. C’est ce qui a été rappelé aux Artisans de la Paix : le rapprochement des prisonniers est possible dans le cadre de l’application de la loi. Il n’y aura pas de blocage politique car il n’y aura pas de traitement d’exception à leur égard. C’est moins évident de l’autre côté.

Côté espagnol, le système policier et judiciaire semble plus sensible aux pressions politiques. Les différentes associations liées au conflit, les associations de victimes d’un côté et les associations favorables au rapprochement des détenus de l’autre, sont largement instrumentalisées par les différentes majorités au pouvoir en Espagne depuis 30 ans. Elles divisent encore considérablement l’opinion publique péninsulaire qui a besoin de temps pour refermer les plaies. Le gouvernement basque l’a bien compris. Il développe son propre Plan de Paix et de Vivre ensemble, depuis 2013, dirigé notamment par J. Fernandez et essaie ainsi de rétablir un dialogue difficile au sein de la société basque. De son côté, le ministre de l’Intérieur espagnol J. I. Zoldo suit l’attitude intransigeante de son parti en exigeant “la plus grande précaution” face aux propos de son homologue français. Il n’y a donc rien de nouveau pour le pouvoir post-franquiste

Dans ce rapport de force, l’Espagne attend des prisonniers, dont la plupart devrait être libérés, souhaitons-le dans un proche avenir, qu’ils fassent le premier pas en faisant acte de repentance. Cette situation d’attente n’est pas sans satisfaire un Etat espagnol qui n’a pas la volonté de sortir du conflit. La faible collaboration entre les administrations espagnole et française illustre ce manque de détermination. Par exemple, le Tribunal d’appel de Paris attend toujours des éclaircissements de la Audiencia nacional sur le cas d’Iratxe Sorzabal qui dénonce des cas de tortures lors de sa détention en 2001. Faute de complément d’information, la France n’a pas répondu aux trois mandats d’arrêt européens émis par les autorités espagnoles. Tant que la Justice espagnole tarde à s’expliquer devant son homologue français, la situation des prisonniers restera en suspens. Sur cette question, la France n’a pas forcément le mauvais rôle. Elle ne fait pas vraiment pression mais elle n’accède pas à toutes les demandes d’extradition.

La France s’est montrée sensible aux interrogations des Artisans de la Paix, elle a fait preuve de respect et de pédagogie, mais c’est à la jeune démocratie espagnole de se justifier. En cela, comparer la situation des prisonniers en France et en Espagne est naïf, c’est surtout à l’Espagne de faire avancer le dossier.