Peio DUFAU
CGT-CHEMINOTS
TRIBUNE LIBRE

Réforme SNCF : la grande supercherie !

A la suite du rapport Spinetta, du nom de son rédacteur ancien PDG d’Air France sans aucune connaissance du système ferroviaire, les grandes manœuvres de réorganisation de la SNCF commencent. Mais quelles réformes, dans quel but et avec quelles incidences ?

État des lieux

Le constat est partagé par tous, le système ferroviaire français va mal et la situation continue de se dégrader. En effet, les lignes sont à bout de souffle (cf. accident de Bretigny) et le financement pour les rénovations manquent alors que la dette de l’ancien RFF repose aujourd’hui sur SNCF réseau, empêchant un plan d’entretien à la hauteur des enjeux annoncés lors de la COP 21.

La dette, de 50 milliards d’euros est issue pour la majeure partie de l'absorption de la dette des compagnies privées à la création de la SNCF et de la commande par l’Etat à la SNCF dans les années 80 sans les financer de Lignes à Grande Vitesse. Il ne s’agit donc pas d’une dette de la SNCF mais d’une dette d’Etat.

Malheureusement, depuis deux décennies, les restrictions d’entretien et la hausse exorbitante des prix de passage pour chaque train ont mené la SNCF (tout comme ses concurrents privés dans le FRET ferroviaire ouvert à la concurrence en 2008) dans une impasse.

D’une part, le réseau vieillissant provoque des problèmes de fiabilité (par exemple 52 minutes aujourd’hui entre Bayonne et Hendaye au lieu des 32 minutes il ya 5 ans), d’autre part, le coût exorbitant de passage des trains sur la voie (notion de péage) poussent la SNCF a réduire le nombre de circulations .

Pour exemple, le principal concurrent de la SNCF dans le transport de marchandise, ECR (filiale des chemins de fer Allemand) affiche un déficit record de 120 millions d’euros en 2017 alors que son chiffre d’affaire n’est que de 177 millions d’euros (ECR a supprimé 300 postes). Il en est de même pour toutes les entreprises de Fret ferroviaire. L'ouverture à la concurence n'ameliore rien. Elle a diminué par dix le tonnage marchandise transporté par rail ces dernières années, elle supprimera le nombre de desserte voyageurs et de lignes demain si rien n'est fait.

Les choix faits par l’entreprise aux ordres des gouvernements successifs n’ont fait que déteriorer le système pour arriver aujourd'hui à un service public ferroviare défaillant. Dégrader un service public à tel point que la privatisation semblerait être l'unique solution.

Le rapport Spineta propose de tout résoudre en supprimant le statut des cheminots… et en passant la SNCF d’EPIC (Etablissement Public Industriel et Commercial) en Société Anonyme (publique pour le moment, le FRET SNCF étant lui, proposé, d'ores et déja, à la filialisation... en attendant la suite). Il abandonne toute notion de service public donc.

Le statut des cheminots c’est quoi ?

En fait il s’agit d’un pacte passé entre l’Etat et la SNCF en contrepartie d’un service public exigeant de fonctionner 365 jours par an et 24 heures sur 24. Il assure la sécurité de l’emploi et un avancement de carrière régulier sans discrimination. La retraite des cheminots a déjà été réformée, le nombre d’annuité de cotisation étant aligné sur les salariés du privé (au lieu d’un départ à 55 ans), et le salaire d’un cheminot est bien inférieur à celui d’un salarié privé dans le FRET ferroviaire. La grille salariale commence en deçà du SMIC et les salaires n’ont pas évolué depuis plusieurs années.

Alors cette réforme mettra-elle donc fin aux problèmes de la SNCF ?

Le résultat de cette réforme est clair, l’entreprise aura un devoir de rentabilité et de gain (statut de Société Anonyme) et elle continuera donc de privilégier les activités rentables (TGV mais quasi exclusivement sur LGV) et de fermer ce qui ne l’est pas : les petites lignes déjà bien mal en point.

La SNCF sera filialisée si la dette est reprise par l’Etat pour le plus grand plaisir des actionnaires et la concurrence aura pour conséquence la baisse du service (fini les correspondances entre entreprises ferroviaires différentes, les usagers attendront le train suivant de la même compagnie).

Pour exemple, la ligne Bayonne – Garazi est proposée à l'abandon par le rapport Spinetta, alors que Bayonne étouffe de tous ses embouteillages matin et soir. Pour la CGT Cheminots, l’objectif est un report modal massif des automobilistes vers le train en augmentant la fréquence des relations en proposant un cadencement.

La CGT Cheminots ne laissera pas faire et ce combat concerne tous les contribuables et les usagers pour passer de l’âge d’or de la voiture à celui d’un transport ferroviaire de qualité, plus propre et respectueux de l’environnement, au service des habitants et non au service des actionnaires comme le sont aujourd’hui les autoroutes par exemple.