Laurent CAUDINE
En réponse à Michel Etchebest
TRIBUNE LIBRE

Michel Etchebest ou l’industriel anthropocentriste (pléonasme ?)

Des ourses slovènes sont lâchées dans les Pyrénées
Des ourses slovènes sont lâchées dans les Pyrénées

Si on jette un œil sur le petit Robert, l’anthropocentrisme serait l’idée de faire de l’humain le centre du monde et du bien de l’humanité la cause finale de toutes choses. Il y a un exemple criant d’anthropocentrisme quand on lit la chronique de Michel Etchebest dans le numéro de MEDIABASK du 9 mai 2019. Un industriel qui parle de biodiversité, c’est pas piqué des hannetons.

Michel Etchebest en bon industriel anthropocentré raisonne de manière essentiellement économique, pour le bien de l’humanité, c’est entendu. Il convient de rester le nez dans le guidon. Qu’importe si on commence à voir le mur, on fait comme si. Il faut créer des emplois, il faut produire, il faut travailler, il faut consommer, il faut dépenser, il faut acheter, il faut jeter, il faut recycler, pour reconsommer et si possible deux fois plutôt qu’une. Là est l’essentiel de l’idéal anthropocentriste.

Pourtant j’ai envie d’élever un peu le débat, modestement, s’il vous plait, et inviter Michel Etchebest à prendre un peu de hauteur, si vous le permettez, merci.

Il fut un temps où les ours occupaient toute l’Europe qui était couverte de forêts et qui était le royaume de la nature sauvage. Mais l’humain a décidé qu’il devait être le maître de l’univers et il n’a préservé que quelques confettis à la vie sauvage. Ici, notamment dans les montagnes des Pyrénées où les ours ont trouvé refuge. Quelle est la situation aujourd’hui ? Nous sommes dans un pays de 67 millions d’habitants. Dans les Pyrénées-Atlantiques il y a 679 354 habitants. En 2018, sur l’ensemble des Pyrénées il y avait une quarantaine d’ours dont quatre en Pyrénées-Occidentales (Béarn, Navarre, Aragon). Malgré cela, Michel Etchebest est quand même persuadé qu’un projet est en action “qui a pour conséquence de remplacer l’homme par l’animal”. L’humain a colonisé tous les espaces et là, Michel Etchebest et certains éleveurs –qui professent la même religion– s’affolent pour quelques ours qui vivent en liberté ! Non seulement les ours dans l’histoire ont été vaillamment massacrés, empoisonnés, capturés, abattus, harcelés mais on dénie à ceux qui restent, le droit de vivre paisiblement chez eux. Pas question de réparation ; c’est bien fait pour leur gueule, ils n’avaient qu’à s’adapter à notre civilisation. Rappelez-vous que nous sommes THE référence et que tout doit tourner autour de nous. Foin de Galilée, Copernic ou Giordano Bruno, nous sommes encore en plein géocentrisme, c’est bien connu…

Prenons un peu de recul… Le massacre de la nature n’a pas attendu le dérèglement climatique ; il est dans la culture même de l’être humain, et c’est pour cette raison que Michel Etchebest ne voit rien et qu’il est englué dans ses certitudes d’homo économicus.

L’anthrocentrisme donne le droit de requalifier tout ce qui existe. On fait notre petit classement et on décide ainsi de manière discrétionnaire qui aura le droit de vivre sur cette planète et comment, en fonction de critères élaborés par le maître des lieux. En l’occurrence ici, Michel Etchebest, voué à la croissance, au productivisme et au capitalisme vert. Tel animal pourra être mangé par les hommes, celui-là nous tiendra compagnie, cet autre pourra être éliminé pour défaut d’utilité, celui-ci sera animal de combat et pourra être mis en pâture dans un spectacle… La biodiversité ? La nature libre et sauvage ? ça ne fait point partie du programme industriel qui depuis 50 ans détruit la planète ici et ailleurs. Alors forcément, Michel ironise “vive la biodiversité”… Vous vous rendez compte ! Le monde est encore peuplé d’animaux libres et sauvages, de zones non industrialisés, de forêts peuplées d’animaux qui font ce qu’ils veulent ! Quel scandale !

Michel Etchebest en bon industriel anthropocentré explique “qu’une partie de nos montagnes pyrénéennes déborde sur notre agglomération”. Car le maître des lieux, industriel anthropocentré de son état, considère que c’est la nature qui empiète sur l’agglomération et non l’inverse. Comme lorsque des sangliers s’approchent des zones urbaines par exemple ; il est inimaginable de penser que ce serait plutôt les zones urbaines qui se seraient rapprochées des sangliers.

Autre vocabulaire anthropocentré : Michel Etchebest parle de “la menace venant de la mer” pour parler des requins et l’arrivée du loup, un animal “autrement plus menaçant”, écrit-il… Bien sûr les humains ne sont pas une menace sur cette planète c’est bien connu… La Soule ne crame pas sa montagne et Biarritz ne bazarde jamais ses eaux usées directement dans ses eaux de baignades. Mais la cécité est une marque particulière du système industriel et de ses zélateurs encroutés dans leur religion. Surtout ne pas regarder plus loin que le bout de ses espadrilles et pas plus haut que le faîte du toit de la mairie de Maule.

Soyons clairs… et osons les mots… écocide… de la famille de génocide, et d’ethnocide,… même combat, même folie, même délire, même aveuglement, même suicide… il y a une attitude écocidaire et délirante dans les propos de Michel Etchebest et de la part de nombreux éleveurs… et c’est grave.

Il y a deux types de contraintes… celles que nous impose le système économique et celles que nous impose la nature. On a le devoir de dresser et mettre à genoux la première et celui de nous adapter à la seconde. Je sais ce qui doit inspirer, et je sais ce qui doit expirer. Et pour prendre le contrepied du ministre de l’Agriculture, s’il faut choisir entre l’ours et l’éleveur qui ne veut pas s’adapter à l’ours, je choisirai l’ours.