Ester GRAN
Elkarrizketa
Guillaume Dalies
Conseiller en développement international au sein de la CCI Nouvelle Aquitaine

“Il y aura un ralentissement des flux”

Guillaume Dalies, conseiller en développement international au sein de la CCI Nouvelle Aquitaine. © DR
Guillaume Dalies, conseiller en développement international au sein de la CCI Nouvelle Aquitaine. © DR

Le Brexit peut-il mettre en difficulté les entreprises du Pays Basque ?

Guillaume DALIES : Non, je ne connais pas une entreprise qui soit autant dépendante du marché britannique. Si nous pouvons nous attendre à un impact sur des échanges commerciaux, il restera à la marge. Là où il y a des craintes à avoir, c’est sur la supply chain, la chaine d’approvisionnement. Quand on a des processus de production intégrés avec plusieurs acteurs. Notamment dans la sous-traitance aéronautique où l’on pourra connaitre un effet de ralentissement. Il y a aussi des entreprises qui achètent au Royaume-Uni des ingrédients qui entrent dans la composition de leurs produits finaux. Elles seront aussi impactées. Mais je vois là plutôt une opportunité, avec une baisse de la livre. Et les entreprises du Royaume-Uni continueront à avoir besoin de faire du business ; elles s’arrangeront pour exporter leurs produits.

Les entreprises basques sont-elles venues vous voir, inquiètes, ces derniers mois ?

Nous avons organisé à la CCI de Bayonne Pays Basque une réunion d’informations sur les conséquences d’un Brexit sans accord le 21 mars dernier. Avec le Réseau Entreprise Europe, la Douane, la Direccte, la Draaf, l’Inpi et les conseillers du commerce extérieur de la France. Soixante-dix personnes y ont participé, je n’avais jamais vu ça. Pour autant, je n’ai pas eu d’appels de clients très inquiets. Au niveau business, les entreprises sont assez agiles et savent très bien réagir aux incertitudes. Ainsi les textiles français ont envoyé leurs collections printemps-été en janvier.

Si le Royaume-Uni sortait de l’Union européenne (UE) sans accord, que pourrait-il se passer au niveau économique ?

Déjà une baisse de la livre, très probablement assez importante. Les prévisions vont d’une parité euro livre, et au pire des scenarii une parité livre dollar. Sans compter une contraction de l’économie britannique. La demande sur les produits de consommation courante, agro-alimentaire, vestimentaire ou autre, pourrait partir à la baisse au Royaume-Uni et le prix de nos produits à la hausse. Nous serions moins compétitifs. Une autre question se pose : si la livre se contracte, quel sera son impact sur le tourisme britannique au Pays Basque ?

La résurgence de frontières aurait-t-elle des conséquences ?

Les entreprises exportatrices savent déjà répondre aux contraintes des frontières lorsqu’elles ont développé des marchés en dehors des pays de l’UE. Toutefois, il y aura un ralentissement des flux que l’on est dans l’impossibilité d’envisager encore aujourd’hui. L’UE a mis de nombreuses mesures en place pour préparer ce cas de figure. De nombreux échanges commerciaux entre l’Union et le Royaume-Uni passent par la Manche, par Calais et autres ports... Les équipes douanières notamment ont été renforcées, les transitaires ont aussi anticipé un Brexit dur. De son côté, le Royaume-Uni a mis en place des mesures par rapport à ses besoins primordiaux et des biens stratégiques. Il a réquisitionné des ferries de passagers afin de les utiliser pour le transport de marchandises, notamment prioritaires, tels que des médicaments.

Un autre impact d’un Brexit sans accord ?

La pêche. Aujourd’hui, il y a une reconnaissance mutuelle des eaux territoriales. La CCI de Bayonne gère le port de Saint-Jean-de-Luz. L’année dernière par exemple, les thons sont montés très haut où les pêcheurs sont allés les chercher. Souvent ils ont dû les débarquer en Irlande ou en Bretagne. Mais si jamais demain, les thons remontent jusqu’aux eaux britanniques, les pêcheurs basques n’auront plus le droit de les pêcher. Des mesures de compensations financières ont déjà été prises pour les pêcheurs européens qui n’auront plus accès à ces eaux poissonneuses. Les pêcheurs vont devoir chercher d’autres lieux où pêcher. Ou travailler pour des pêcheries britanniques : il a déjà été constaté des démarches de pêcheurs écossais pour recruter des équipages du nord, normands... En prévision.