Béatrice MOLLE-HARAN

Une errance inacceptable

L’espoir suscité après la Deuxième Guerre mondiale par une réelle construction européenne laisse place sur ce continent aux populismes, à la montée de l’extrême droite et aux politiques migratoires répressives

© Mediabask
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La marche organisée par Bizi ce week-end, de Bayonne vers le centre de rétention pour migrants d’Hendaye intitulée “Eux et elles, c'est nous !” jette un coup de projecteur cru sur ce drame humain qui se joue en Europe. Un drame humain se soldant par des milliers de morts noyés dans la Méditerrannée, des mineurs trimbalés de pays en pays, des enfants migrants détenus et séparés de leurs parents. Une errance absolue indigne, aggravée dans l’Etat français par la loi Asile et immigration, institutionnalisant un net recul de la démocratie et de la solidarité dans nos contrées.

L’espoir suscité après la Deuxième Guerre mondiale par une réelle construction européenne laisse place aujourd’hui, sur ce continent, aux populismes, à la montée de l’extrême droite et aux poltiques migratoires répressives. Une Europe incapable d’élaborer une solution unifiée.

Des politiques dont les ardents défenseurs engrangent au final de notables succès électoraux, tant une peur confuse s’empare apparemment des citoyens européens. Pourtant les faits sont les faits : selon l’ONG Oxfam, les six pays les plus riches du monde représentant 51 % de la richesse mondiale, et ayant les moyens de renforcer leurs services d’hébergement et d’éducation, accueillent moins de 9 % des réfugiés du monde. Par ailleurs, selon ces mêmes sources, près de 23 millions de personnes ont cherché refuge hors des frontières de leur pays. Environ 84 % d'entre eux se trouvent dans des pays pauvres. Une peur irrationnelle qui renvoie pour beaucoup à l’angoisse face à un avenir incertain. Il est donc pertinent de lier cette angoisse aux politiques ultralibérales menées en Europe et à la nécessaire défense du service public. Un combat que mènent depuis plus de 39 jours les cheminots grévistes qualifiés par certains “d’archaïques” alors qu’ils représentent le dernier rempart de résistants contre une privatisation galopante renforçant l’égoïsme et le repli sur soi.

En ce sens, l’action organisée vendredi matin par les syndicats de cheminots et Larrun Ez Hunki fustigeant le nouveau projet d’aménagement de la Rhune est, quoique l’on en pense, un exemple concret de la convergence des luttes. Comment expliquer que l’on puisse dépenser 36 millions d’euros pour une rénovation de ce site et que l’on abandonne des infrastructures utiles au bien commun ? Sans parler du manque de concertation évident semblant régner dans le traitement de ce dossier.

Face aux futures régressions sociales porteuses, toujours, de plus d’angoisse et de peur, le principe de fraternité venant d’être reconnu par le Conseil constitutionnel doit être pratiqué ou du moins soutenu.

C’est le sens de ces deux manifestations du week-end organisées respectivement par Bizi et les cheminots grévistes. Manifestations démontrant que notre territoire, à l’instar de beaucoup d’autres, n’est pas une terre de repli et de peur de l’autre. Il ne s’agit pas d’angélisme ni de leçons à donner sur l’accueil et la nécessaire solidarité. Mais de développer encore et encore, ce qui représente notre ADN, du fait peut-être de l’existence proche d’une frontière artificielle pour beaucoup, qui nous a fait côtoyer depuis enfant l’autre, forcément différent. Et si proche au final. Au milieu de cet été naissant, s’avérant parfois pénible entre fêtes touristiques et célébration autour d’un ballon rond, ces manifestations nous ramènent à une saine réalité que nous souhaitons réjouissante pour toutes et tous.