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Collectif féministe contre les violences sexistes
TRIBUNE LIBRE

Nouvelle loi contre les violences sexuelles et sexistes : un coup de com avant tout

A Bayonne, des rassemblements ont déjà eu lieu contre les violences sexistes. ©IsabelleMIQUELESTORENA
A Bayonne, des rassemblements ont déjà eu lieu contre les violences sexistes. ©IsabelleMIQUELESTORENA

Le Parlement a adopté le 1er août le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes afin de “concrétiser des engagements de campagne très forts du président de la République” :

– le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs passe de 20 ans à 30 ans après la majorité de la victime ;

– les dispositions du code pénal en cas d’abus sexuel sur mineur de moins de 15 ans sont renforcées ;

– un délit d’ “outrage sexiste” est créé, pour réprimer le harcèlement de rue ;

– la pénalisation du harcèlement en ligne est renforcée, sa définition est élargie pour prendre en compte le harcèlement collectif.

Certaines de ces mesures sont les bienvenues, mais comment, à la lecture du texte, parler de “grande cause du quinquennat” ? Les associations et experts de terrain n’ont pas été consultés, leurs préconisations n’ont pas été suivies. Celles-ci réclamaient :

– une présomption de non-consentement en cas de relation sexuelle entre un adulte et un mineur de moins de 15 ans (ou 13 ans) : l’exécutif privilégie le principe de la présomption d’innocence. Ce sera toujours à la victime de prouver qu’elle n’était pas consentante, et non à l’auteur des faits de prouver le consentement. L’amnésie traumatique, retenue par le Sénat comme élément suspensif de prescription dans de tels cas, est passée à la trappe.

– des mesures contre les violences conjugales : le texte voté ne propose rien de nouveau, alors que l’état français a ratifié en 2014 la Convention d’Istanbul (Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) et s’est donc engagé à la mettre pleinement en application.

– des mesures contre le harcèlement sexuel au travail ;

– une formation pour les professionnels (santé, police, justice…) ;

– une éducation à l’égalité dès le plus jeune âge.

La psychiatre Muriel Salmona déplore une occasion manquée de renforcer l’arsenal juridique de protection des enfants victimes de viol et d’agression sexuelle par des adultes. Ces enfants restent aujourd’hui en danger car il sera toujours possible à un magistrat ou des jurés de considérer qu’un enfant aura consenti à une pénétration sexuelle par un adulte.

Depuis la vague médiatique #MeToo, #BalanceTonPorc, le niveau de tolérance des femmes a baissé, des hommes ont pris conscience de la situation insupportable à laquelle les femmes, et souvent des enfants, sont confrontés. Cette loi répond-elle aux différentes situations de violences ?

Nous attendons de voir comment le harcèlement de rue sera effectivement réprimé. Les femmes devront-elles s’équiper d’une caméra afin de prouver les outrages sexistes ?

Les mesures “punitives” ne contribuent d’ailleurs pas à changer les comportements. Pour que ces comportements changent réellement, des campagnes de sensibilisation nombreuses et efficaces seront nécessaires ; ainsi que des formations pour les personnels de police, de justice, de l’éducation et de la santé –des formations sérieuses et approfondies qui soient plus qu’un “vernis” servant à donner bonne conscience à notre société.

Pour permettre aux femmes de pouvoir vivre librement sans toujours craindre une agression, c’est une éducation à l’égalité dès le plus jeune âge qui s’impose. Les associations féministes comme la nôtre ne cesseront pas d’œuvrer en ce sens.