Jean-Yves VIOLLIER
Ancien journaliste au Canard Enchaîné
PAROLE AU JOURNALISTE

Non au rugbystiquement correct

Jean-Yves Viollier. © DR
Jean-Yves Viollier. © DR

La différence qu’il y a entre les oiseaux et les hommes politiques, c’est que de temps en temps les oiseaux s’arrêtent de voler” aimait à répéter Coluche à une époque où l’on trouvait sain de se moquer des élus et où aucun d’entre eux n’aurait eu l’idée de porter plainte pour trois mots de travers. Alors que le politiquement correct étend désormais sa sinistrose sur tout le territoire, le rugby français doit à tout prix rester le sport des grandes gueules et des personnages hauts en couleurs.

L’emblématique deuxième ligne du Stade Français, Pascal Papé, racontait récemment dans L’Equipe le dernier match de Sylvain Marconnet et Rodrigo Roncero, le 12 mai 2012, sur le stade d’Aguilera. Ce jour-là, il faisait une chaleur de damné. Le facétieux deuxième ligne, avec la complicité des soigneurs, avait remplacé l’eau des gourdes par de la bière. Si tu avais soif, tu n’avais pas le choix. Même l’arbitre Christophe Berdos, qui avait recraché de surprise la première gorgée, s’était finalement marré et prêté au jeu.

De la même façon, il est étonnant que les Bayonnais n’aient pas encore élevé une statue aux deux intrépides qui ont escaladé une veille de derby la façade du stade Aguilera, le 28 avril 2006 pour voler le Y de “Biarritz Pays basque”, ce qui avait amené le regretté président Marcel Martin à porter plainte contre X… pour vol de Y.

Le derby entre Bayonne et Biarritz doit être une fête où l’on défend ses couleurs dans le respect de l’adversaire, le rire et la bonne humeur. Et où on doit se montrer grand seigneur quand on est vainqueur.

Quand il arrive à Géronimo de se faire traiter d’enculé par un supporter un peu trop chauvin, Robert Rabagny se tourne avec un grand sourire vers l’insulteur en lui disant : “Vous avez oublié de dire, Monsieur !”. Et l’affaire est finie. Les plaintes pour homophobie, pas plus que les casquettes fustigeant une corporation n’ont leur place dans le monde du rugby.

Le titre d’un confrère, au lendemain de l’éclatante victoire biarrote en terre bayonnaise m’a donc fait éclater de rire : “Les Biarrots sont gais”. C’est une façon légère, souriante et très rugby de boucler la boucle, comme deux piliers qui ont échangé des marrons et qui vont partager quelques bières après le match.

Ce titre, je l’avoue, j’aurais adoré le trouver.

Malheureusement, une promenade matinale aux halles de Biarritz m’a fait réaliser que ce titre était perçu comme une insulte par quelques supporters fanatiques qui ne semblent pas comprendre que le rugbystiquement correct est la mort assurée de ce sport.

Alors, pour tenter de leur redonner le sourire, rappelons cette anecdote sur le plus emblématique joueur de Biarritz, Serge Blanco, dont l’humour ravageur était à la hauteur de son talent sur le terrain. Après une pénalité contre les Biarrots, “Les Blancs à dix mètres !”, l’inénarrable Serge s’était suavement tourné vers le directeur de jeu pour l’interroger : “Même moi, Monsieur l’arbitre ?”

Un propos qui a tout de même une autre classe que le “Tais-toi et pousse !” auquel on voudrait tous nous réduire.