Béatrice MOLLE-HARAN
Edito

Edito : Des élections capitales

La vengeance, la judiciarisation d’un conflit et la répression n’ont jamais constitué une politique depuis que le monde est monde

Après la déclaration unilatérale d’indépendance votée par le Parlament de Catalogne vendredi dernier et la décision du gouvernement espagnol d’appliquer l’article 155 de la Constitution espagnole, le temps semble suspendu en Catalogne, avec les convocations par la justice espagnole de la présidente du Parlament, de treize conseillers de la Generalitat et de son président destitué par l’Etat Carles Puigdemont qui a choisi de se rendre à Bruxelles, au cœur de l’Europe et par mesure de sécurité.

De lourdes peines de prison menacent ces responsables politiques accusés de rébellion, sédition et malversation de fonds publics ayant servi à l’organisation du référendum sur l’indépendance. Accusations de rébellion et sédition possibles juridiquement si des faits de violence sont avérés. Or dans ce cas précis, aucun acte de cette nature n’a été perpétré. Et que l’on approuve ou non le “procés” catalan, force est de constater l’esprit civique et le sens des responsabilités des forces indépendantistes qui ne sont jamais tombées dans le piège de la provocation. Les peines de prison préventives, dont souffrent déjà Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, responsables d’associations civiles, qui si elles venaient à être prononcées pour les autres mis en cause déboucheraient sur une crise sans précédent.

A la surprise générale, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a annoncé la tenue d’élections autonomiques anticipées le 21 décembre, élections que les forces unionnistes PP, PSOE et Ciudadanos souhaiteraient transformer en plébiscite à leur profit. Cependant les dernières enquêtes d’opinion semblent démontrer le contraire : les indépendantistes augmenteraient leur score et si la répression s’accentue nul doute que cette tendance ira crescendo et ne résoudra aucun problème. Car on le sait, la vengeance, la judiciarisation d’un conflit et la répression n’ont jamais constitué une politique depuis que le monde est monde.

L’argument invoqué par l’Etat espagnol et les forces unionnistes pour l’application du 155 est le non respect des lois constitutionnelles par les indépendantistes. Rappelons que depuis des années les revendications de ces derniers ont été clairement énoncées, acceptées par référendum et votées en 2006 par le Congrès des députés à Madrid et par le Parlament de Catalogne, telle la réforme du statut d’autonomie stipulant un nouveau cadre fiscal et la reconnaissance comme nation de la Catalogne. Le PP présenta un recours auprès du Tribunal constitutionnel et ces deux articles ainsi que d’autres furent supprimés. Contre la volonté populaire. Nous connaissons la suite et la tenue de ces prochaines élections du 21 décembre revêt une importance capitale : du score des indépendantistes pourra dépendre la reconnaissance d’un conflit majeur de la part de la communauté internationale. Car le camp unionniste l’a d’ores et déjà annoncé : une victoire des indépendantistes n’empêchera pas la continuité de l’application de l’article 155 si les Catalans persistent dans leur désir d’indépendance. Seule la pression internationale pourrait imposer à Mariano Rajoy un référendum pacté et légal comme en Ecosse et au Québec. On le voit, l’union entre indépendantistes est plus que jamais cruciale afin d’atteindre le 21 décembre un score sans appel. Une majorité forte ouverte et convaincante contre laquelle il sera difficile de lutter.