Jérémy FARGE
Animateur socioculturel, militant de la France Insoumise
TRIBUNE LIBRE

Pour un accès digne et durable à une alimentation de qualité !

Les États Généraux de l'Alimentation ont été clôturés le 21 décembre dernier. Quatorze ateliers thématiques ont aidé à faire avancer la réflexion. Mais un œil attentif sur la diversité des travaux menés remarque rapidement que seuls trois ateliers faisaient explicitement référence aux dimensions “locales” et “territoriales” de la politique alimentaire. Celles-ci constituent pourtant la pierre angulaire de l'accès à une alimentation saine et durable, qui soit également rémunératrice pour les paysan.ne.s. Le relocalisation de nos agricultures est au cœur du projet en faveur d'un accès digne et durable pour tou.te.s à une alimentation de qualité.

Un accès digne à l'alimentation implique le respect des habitudes et préférences alimentaires ainsi que des aspects culturels. Une politique alimentaire au service de tou.te.s ne peut constituer une simple addition entre la production agro-industrielle et la quantité nutritionnelle. Elle implique de (ré)apprendre à se faire plaisir dans son alimentation, elle permet des économies liées à une meilleure santé et à la réduction de la part des emballages et du marketing, et priorise les dimensions sociale et environnementale de la production et de la consommation.

Les travaux de l'atelier n° 12 “Lutter contre l'insécurité alimentaire, s'assurer que chacun puisse avoir accès à une alimentation suffisante et de qualité en France et dans le monde” nous alertent sur le fait qu'aujourd'hui encore, presque cinq millions de personnes ont recours à l'aide alimentaire en France – depuis plus de deux ans pour la moitié d'entre elles ! L'heure est venue d'abandonner le système de distribution des rebuts de la société du gaspillage au profit de systèmes alimentaires territorialisés qui assurent l'accès à une alimentation digne des personnes en situation de précarité.

L'aide alimentaire, basée sur le distributif, ne peut constituer une solution à long-terme. Dominique Partuel, de l'Institut National de Recherche Agronomique explique “qu'il ne s'agit plus seulement d'assurer un recours à l'aide alimentaire pour les personnes en situation de précarité mais de construire des modes d'accès à une alimentation durable comme élément de citoyenneté”.

Les départements, menacés par la technocratie macronienne, constituent une échelle pertinente pour structurer des schémas territoriaux cohérents. En suivant le modèle des programmes départementaux d'insertion (PDI), notamment leur méthodologie participative, les crédits nationaux et européens liées à l'aide alimentaire pourraient aider à lutter contre la précarité alimentaire. Il est urgent de donner un cadre pour repérer, soutenir et mettre en réseau les nouvelles pratiques d'accès digne et durable à l'alimentation. Cela permettra alors de sortir d'une vision exclusivement basée sur “l'aide” pour promouvoir une vision basée sur “l'accès”, où chacun.e participe.

Associer les personnes qui ont recours à l'aide alimentaire à la définition des politiques alimentaires paraît une évidence. Le chômage de masse n'a pourtant fait que transformer les aides d'urgence en fatalité structurelle, renforçant ainsi les dispositifs assistantiels de distribution alimentaire “de masse”. Avec à la clé les mêmes méthodes : culpabilisation des donateurs et stigmatisation des “bénéficiaires”. C'est une honte quand on sait à quel point c'est humiliant pour les personnes d'aller dans des lieux de distribution gratuite de nourriture.

L'engagement des personnes en précarité dans l'élaboration des politiques alimentaires permet de faire vivre des projets d'une mixité inédite : intergénérationnels, interculturels... Ces projets permettent de faire se rencontrer les différents acteur.rice.s de la chaîne alimentaire. Les personnes en précarité ont la possibilité de soutenir l'économie du territoire alors que les paysan.ne.s ont la satisfaction de voir leur production accessible à tou.te.s ! Les associations ont un rôle à jouer, mais l'État doit leur proposer un cadre favorable.