Louis VILAR
Militant du syndicat Solidaires Etudiant.e.s Pau et du M22M
TRIBUNE LIBRE

La loi Vidal : une sélection déguisée

Au Pays Basque Nord, la mobilisation étudiante se fait attendre. © Gaizka IROZ
Au Pays Basque Nord, la mobilisation étudiante se fait attendre. © Gaizka IROZ

En tant que syndicat étudiant nous dénonçons les réformes de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Elle se traduit par ParcourSup, nouvelle plate-forme en ligne qui remplace APB.

La formulation des vœux a débuté le 22 janvier et durera jusqu'au 13 mars. Tous les lycéens devront faire dix vœux non hiérarchisés, ce qui implique que le choix du lieu et de la filière n'est plus fait par les bacheliers mais par les établissements eux-mêmes, dans une logique sélective. En parallèle, la réforme du bac va mettre en place le contrôle continu : ce ne sera plus seulement la note qui comptera, mais aussi l'établissement fréquenté. Les lycées ne pouvant pas dispenser toutes les options, les élèves n'auront pas le même diplôme : un 12 de Cassin ne vaudra pas un 12 de Louis de Foix. Enfin, l'épreuve du grand oral est un clivage de plus entre les enfants des classes populaires et ceux issus des catégories favorisées, disposant déjà des tics de langage et du bagage culturel attendus lors de cet examen.

Cette loi dans son ensemble est un recul historique du droit à l'éducation, elle n'est pas pensée ni faite pour “améliorer l'orientation” mais s'inscrit dans la lignée d'autres lois (LRU, Fioraso) organisant le désengagement financier de l'Etat dans l'enseignement supérieur. Pendant que le gouvernement ferme les centres d'Information et d'Orientation, et que le nombres de psychologues de l'Education nationale est insuffisant, cette loi oblige les enseignants, en plus de travail supplémentaires après les lois d'austérité les touchant depuis plusieurs années, à être des acteurs de la sélection. La loi est en plus aujourd'hui appliquée dans les lycées et les universités en dehors de tout cadre légal. Pour les lycéens déjà inquiets pour leur avenir, c'est une sécurité en moins et un facteur anxiogène en plus dans le choix de leur orientation. Pour l'université c'est un de ces piliers, inscrit dans le code de l'éducation qui est rayé : l'ouverture à tous les titulaires du baccalauréat.

Si un jeune sur deux échoue lors de sa première année universitaire, ce n'est pas qu'il n'y aurait pas sa place, comme le déclarait Emmanuel Macron dans Le Point en septembre, c'est que les moyens ne sont pas donnés pour l'accompagner dans ses études.

Partout le mouvement pour le retrait de cette loi s'organise. La mobilisation du 1er février a été une réussite avec des milliers de personnes dans les rues, des facs et des lycées bloqués. A Pau, un amphithéâtre était plein et le rassemblement du mardi 6 février a été une réussite. De nombreuses universités (Lille, Paris I, Rennes 2, etc.) ont déjà voté contre ces attendus, nous nous y opposerons lors de leurs votes jeudi. Pour nous, comment ne pas voir de sélection sociale quand pour l'entrée en licence de STAPS, le BAFA, charge financière lourde pour beaucoup d'étudiants (jusqu'à 1 300 euros) devient obligatoire ?

Notre mouvement voit également les dangers que peut représenter cette loi au niveau local. Dans une université déjà dans une situation critique, avec plus de 24 postes d'enseignants-chercheurs gelés, nous sommes déjà loin d'avoir accès à un enseignement supérieur de qualité pour tous. Nous ne voulons ni ne pourrons participer à la compétition entre des “facs très sélectives” et celles “très peu sélectives” devenant des “facs poubelles”. D'autre part, les affectations éloignées du domicile obligeront une partie des lycéens de nos territoires à devoir étudier hors de l'UPPA avec la perte que cela implique pour le développement local et la sélection sociale que cela occasionne par les coûts de la vie à Bordeaux ou à Toulouse.

La sélection est un vieux projet des gouvernements libéraux, il aura fallu Mai 68, trois mois de grève générale étudiante en 1976 et un mort, Malik Oussekine en 1986, pour qu'elle ne puisse aboutir. Alors pour celles et ceux qui ont lutté pour obtenir ou conserver ces droits, mobilisons-nous aujourd'hui car la casse de l'université accessible à tous n'est pas une fatalité, mais une volonté idéologique qui s'inscrit dans un agenda de réformes pour changer de modèle universitaire. La situation actuelle c'est : l'augmentation de 20 % des étudiants dans l'Etat français depuis 2008, pendant que les dépenses par étudiant ont, elles, baissé de 10 %.

Un autre enseignement supérieur est possible, il ne passe pas par la sélection mais par la dotation des moyens nécessaires qui font actuellement défaut !