Béatrice MOLLE-HARAN

Des défis au cœur de l’humain malgré l’inquiétude

Des voix s’élèvent vibrantes de leurs intimes souffrances bien décidées à lire cette page sombre et tragique de leur histoire, afin de la tourner. Et souhaitant la tourner sans rien oublier de ce qui fut.

Béatrice MOLLE-HARAN. © Sylvain SENCRISTO
Béatrice MOLLE-HARAN. © Sylvain SENCRISTO

L’année 2018 est certes porteuse d’inquiétude, des vents mauvais, du Brésil en passant par la Hongrie et l’Italie soufflent violemment et remettent en question les systèmes démocratiques aussi imparfaits fussent-ils. 2018 c’est aussi l’émergence de mouvements insolites, tels les “gilets jaunes” obligeant à se remettre en question sur ce que l’on pense, sur le rôle des syndicats et des partis si absents du débat. Et paradoxalement nous faire réfléchir sur la transition écologique qui ne pourra se réaliser sans justice sociale. 2018 c’est enfin une présence accrue dans l’espace public de la revendication féministe reléguée parfois par certains aux oubliettes de l’histoire. Nous nous rappelerons de la formidable solidarité avec la victime de la Manada par un jour de fête à Iruñea. Cette jeune madrilène confrontée à ses bourreaux, accusés d’agression sexuelle et non de viol, et qui jouissent d’une liberté provisoire.

De liberté bien sûr il est question sur toutes les latitudes du monde et particulièrement en Pays Basque où plus de sept années après la fin définitive de la lutte armée et huit mois après la dissolution d’ETA, dernier groupe armé d’Europe occidentale, les prisonniers de cette organisation ne béneficient, non pas d’avantages, mais du simple droit pour ceux gravement malades, d’obtenir la liberté conditionnelle, pour d’autres de pouvoir sortir après 30 années d’enfermement et enfin pour la totalité d’entre eux d‘être rapprochés du lieu d’habitation de leurs familles et de leurs proches. Des revendications qui ne sont en rien des privilèges mais sont inscrites dans l’application du droit commun, censé s’appliquer à tous et à toutes dans une démocratie. 2018 c’est aussi en relation avec cette problématique l’émergence d’un nouveau discours d’espoir dans le camp des victimes d’ETA. Des voix s’élèvent vibrantes de leurs souffrances intimes bien décidées à lire cette page sombre et noire de leur vie afin de la tourner. Et souhaitant le faire sans rien oublier de ce qui fut. Des voix tranchant avec des discours de vengeance que l’on peut comprendre, mais dont on sait pertinemment qu’ils n’apporteront rien, ni aux uns ni aux autres.

Et ne soyons pas dupes avec pour certains la volonté de confondre sciemment des actes de violences passés avec des idées et le combat idéologique et démocratique d’aujourd’hui. Comme dans tout processus de ce type quand se taisent les armes surgit la bataille du récit, et ne soyons pas naïfs il y aura forcément plusieurs récits.

Et peu importe, l’histoire jugera mais ces récits pluriels ne doivent pas nous faire renoncer à la volonté et au désir de réconciliation, majoritaire dans notre société tant au Pays Basque Sud qu’au Pays Basque Nord. Par envie, par pragmatisme et par fraternité.

De fraternité aussi 2018 laissera des empreintes avec l’accueil des migrants à Bayonne, des dizaines de bénévoles sur le pont, et la courageuse attitude du maire de Bayonne et président de la Communauté d’agglomération Pays Basque Jean-René Etchegaray mettant à la disposition des migrants deux locaux pour les abriter momentanément. Des notions d’accueil qui nous sont chères et que nous devons cultiver et perpétuer.

Les défis pour 2019 sont nombreux et tous en lien avec l’importance de la relation humaine au sein de n’importe quel combat et engagement.