Larraitz Otazo, Jose Luis Turrillas, Oihana Parot, Unai Arkauz, Gabi Mouesca, Amaia Hinoux, Dabid Gramont, Mikel Irastorza, Jokin Etxebarria.
Association HARRERA *
TRIBUNE LIBRE

Pour que ce qui est arrivé à Oier ne se reproduise plus

Un dernier adieu a été rendu à Oier à Biarritz le 30 janvier. © Bob EDME.
Un dernier adieu a été rendu à Oier à Biarritz le 30 janvier. © Bob EDME.

Oier Gomez, ancien prisonnier politique basque et membre de l’association Harrera du Pays Basque Nord nous a quittés samedi matin. Nos premières pensées vont à sa famille : nous souhaitons leur exprimer toutes nos condoléances ainsi que notre soutien en ces moments difficiles.

Lorsqu’Oier quitta la prison, tout le monde savait qu’il avait une maladie incurable et bien que les médecins lui aient prédit une espérance de vie de six mois, il a combattu la maladie parmi nous pendant presque deux ans. Nous ne sommes pas là pour parler de la force qu’avait Oier, même si elle mériterait d’être mentionnée. Aujourd’hui, nous pensons aux prisonniers basques gravement malades et, en même temps, nous voulons souligner la cruauté de la politique carcérale que mènent les Etats français et espagnol.

Oier n’est pas décédé de mort naturelle, car il est impossible de dissocier la mort et la prison. Il faut rappeler qu’en 2012, on lui avait diagnostiqué un lymphome Hodgkinien et qu’il avait subi un traitement chimiothérapique. Malgré les demandes de libération, il fut maintenu en prison jusqu’à ce qu’on lui diagnostique un deuxième cancer en 2017, ce qui fit cinq longues années de détention. Comme il avait le statut de DPS, on lui imposait en permanence des mesures de sécurité très strictes, aussi bien en prison qu’à l’hôpital, avec le stress, la tension et l’usure que cela implique. Plus tard, ces mesures furent allégées mais seulement au dernier moment, lorsque la maladie avait empiré, et non avant comme mesure de prévention. En fin de compte, Oier n’a pas eu la possibilité de guérir et de continuer à vivre car ils n’ont décidé de le libérer que lorsque sa situation devint irréversible, pour qu’il décède à l’extérieur et non en prison. De plus, au lieu de se préoccuper de sa santé, à Madrid, certains demandaient une nouvelle expertise médicale tout en réclamant qu’il soit de nouveau incarcéré.

De nos jours, ainsi qu’ils l’ont fait avec Oier, les Etats français et espagnol maintiennent en détention des prisonniers basques atteints de maladies graves et, pour plusieurs d’entre eux, de maladies incurables. Et cela dans des conditions très dures, loin de leurs proches, dispersés… La prison n’est un endroit pour personne et encore moins pour une personne atteinte d’une maladie. On ne peut y trouver de traitement adéquat ni les moyens nécessaires. En prison, tout est retards et obstacles.

Chaque jour qui passe pour nos compatriotes qui vivent cette situation est un jour de souffrance de plus. Les jours, les semaines, les années… passent et la maladie ne peut que s’aggraver. Dans ces conditions, il est impossible que leur santé s’améliore. Il ne faut pas être un professionnel de la santé pour le savoir et, par conséquent, les Etats qui les maintiennent en cellule le savent également. Voici donc la question que nous posons : quel est le but de tout cela ? Condamner à mort les prisonniers basques atteints de maladies graves ? C’est ce que les faits nous prouvent.

Depuis 2017 l’Etat français a réalisé quelques mouvements positifs qui sont certes insuffisants mais c’est tout de même un début. L’Espagne n’a même pas fait cela. Nous avons pu entendre de belles paroles mais la carte de la dispersion nous montre que le fond de la politique carcérale menée depuis des décennies reste intact. Pour que ces paroles soient un tant soit peu crédibles, des mesures immédiates devraient être prises et la première d’entre elles devrait être la libération de tous les prisonniers atteints de maladie. Les autres gestes (comme par exemple, le fait de les rapprocher dans des prisons situées à ces centaines de kilomètres) n’est que du blanchiment politique, car cela suppose de rester en prison et dans ces conditions, la maladie ne peut qu’empirer.

Nous l’avons déjà dit, les prisonniers basques sont dans les geôles des Etats français et espagnol, dépendants des décisions de ces derniers, et ces Etats sont donc responsables de tout ce qui leur arrive. Par conséquent, les responsables politiques de l’atteinte aux droits fondamentaux des prisonniers gravement malades existent. De la même manière qu’existent les responsables de la mort d’Oier.

La situation est très grave et il n’y a plus de temps à perdre. Pour que les prisonniers atteints de maladies graves soient libérés au plus vite, la pression de la société civile, des citoyens et des institutions du Pays Basque est indispensable. Il faudra que nous fassions encore plus d’efforts que jusqu’à maintenant. C’est ce défi que nous avons devant nous, et nous voulons appeler tout le monde à renouveler et décupler l’engagement pris le 12 janvier à Bayonne.

N’oublions pas, cependant, que nous aurons d’autres tâches à réaliser. Car pour vivre dignement, chaque prisonnier quittant la prison a besoin de solidarité et de soutien. C’est le message que diffuse ces derniers mois l’association Harrera dans la société du Pays Basque Nord. C’est une des fonctions que nous avons remplie lorsqu’Oier est sorti de prison et qu’il habitait à Bayonne : garantir les moyens et le soutien dont il avait besoin. Soyons plus nombreux dorénavant à mener cette action, mais entre-temps, travaillons pour leur libération afin que tout ce qui est arrivé à Oier ne se reproduise pas.

* Signataires : Larraitz Otazo, Jose Luis Turrillas, Oihana Parot, Unai Arkauz, Gabi Mouesca, Amaia Hinoux, Dabid Gramont, Mikel Irastorza, Jokin Etxebarria.