Bixente VRIGNON
Journaliste
PAROLE AU JOURNALISTE

Audiovisuel : que veut-on réformer vraiment ?

Bixente Vrignon est journaliste à France Bleu Pays Basque. © DR
Bixente Vrignon est journaliste à France Bleu Pays Basque. © DR

C’est un exercice obligé pour chaque nouvelle majorité : comme l’Education nationale, la baisse des impôts, ou la lutte contre les privilèges ; il faut réformer l’audiovisuel public. Devenu président, Emmanuel Macron n’a pas attendu plus de sept mois pour lâcher en mode bombe : “l’audiovisuel public est la honte de la République”.

Et ça a marché. Le 17 décembre 2017, invité sur France 2, Emmanuel Macron précisait ses intentions : l’audiovisuel reste structuré sur “le monde d’avant”, tout comme le CSA qui ne contrôle pas les réseaux sociaux. Il parle d’attachement au pluralisme démocratique et de la formation du citoyen : “a-t-on un dispositif pour former les jeunes, les éveiller à la conscience ?”, fait-il mine de s’interroger. Et en parlant des “contenus qu’on est en droit d’attendre”, il repart à la charge : selon lui, France Télévisions ou Radio France ne chercheraient pas assez à “éduquer des gens qui sont loin de la culture (…), qui ne vont jamais regarder ni Arte ni une chaîne de télévision publique”. Il regrette que “on ne regarde pas le continent sur lequel nos gamins sont en train de s’éduquer”, c’est-à-dire Internet.

Finalement il annonce une grande réflexion censée débuter en janvier 2018, “qui doit prendre son temps, où les acteurs de l’audiovisuel public doivent prendre partie et où l’on va reposer les bases de la mission”. Une trentaine de manifestations de gilets jaunes plus tard on attend toujours le grand débat, et “les acteurs”, en tous cas les salariés et les organisations syndicales sont à la veille d’être consultés sur le moindre texte. Et la réforme promise a été repoussée une fois de plus à décembre prochain.

La “réflexion” ainsi fortement orientée pose des questions de fonds. En parlant d’information, Emmanuel Macron parle de formation et d’éducation. Il crée volontairement la confusion entre journaliste et enseignant, information et formation, la mission d’informer et celle d’éduquer. C’est une confusion dangereuse qui peut très rapidement faire déraper le rôle des journalistes du service public vers celui de gendarmes de la pensée.

Depuis, des propositions savamment filtrées pour voir comment ça va réagir ont été rendues publiques. Les langues historiques minorisées, pour qui l’oralité est un point crucial ne sont même pas mentionnées, le “conseil de déontologie” de la presse peut être le pire comme le meilleur en fonction des buts et des moyens qui lui seront assignés, le rapprochement entre France Télévisions et Radio France peut être légitime mais là encore, l’exécutif d’Edouard Philippe annonce des buts sans annoncer de stratégie. Le contributeur croit à une réforme pour payer moins d’impôts, le téléspectateur-auditeur pour de meilleurs programmes, le salarié craint la contrainte et les décisions sans queue ni tête dont certains exécutifs se sont fait une spécialité.

A l’arrivée tout le monde risque d’être déçu.