Parole au journaliste
Journaliste à France Bleu Pays Basque
PAROLE AU JOURNALISTE

Alegia deus ez

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De Rezovo en Bulgarie à Sagres au Portugal, l'Union européenne (UE) a dressé ses barbelés en cinq ans. En 2014, quand les électeurs de 28 pays choisissaient leur parlement commun, on était à la veille du pic migratoire de 2015. Depuis, l'Union a mis en place Frontex en 2016, pour veiller à ses frontières, et chacun des pays a fermé ses ports, mis en place des grilles, des grillages, signé des accords avec des pays tiers pour qu'ils trient bons et mauvais migrants ou les gardent chez eux. Certains ont fait tout ça à la fois. La présidence française, en plus, a jugé bon de donner des leçons et conseils d'humanité.

L'Europe a aussi mis en place la surveillance des données, fait plier les géants des réseaux sociaux et créé une nouvelle politique agricole, abandonnant ses prérogatives aux États. Mais c'est bien la crise migratoire qui aura marqué cette législature, où l'Allemagne, si intransigeante face à la crise grecque et aux pays tentés de s'écarter des règles budgétaires, a dû plier pour la première fois dans son désir d'imposer une politique migratoire plus généreuse, même si cette ligne répondait aussi aux impératifs économiques d'une économie allemande qui risque l'asphyxie lente par manque de main d’œuvre bon marché.

Le repli européen était pourtant hautement probable dans les résultats quand le Front National est devenu le premier parti de France avec 4700000 voix et 24 élus, soit 800000 de plus que Les Républicains qui arrivaient juste derrière. Si les droites les plus extrêmes n'ont pas plus de poids dans le parlement de l'Union, c'est juste parce que le sas de sécurité s'est désagrégé depuis longtemps et on ne sait plus trop ce qui différencie une “droite dure” d'une “droite extrême”, un parti “souverainiste”, de “néo-nazis”. C'est aussi que les égoïsmes nationaux des nationalistes les empêchent pour l'instant de s'allier.

L'exaltation des peurs des populations, l'emploi de schémas simplistes pour refuser d'aider à soulager la misère humaine ne sont que la face visible d'un programme commun qui regroupe pêle-mêle la pénalisation toujours accrue de l'avortement, le recul voire la disparition des droits des travailleurs et des femmes, et l'idée que l'UE est un distributeur automatique de subventions qu'il convient d'affaiblir pour renforcer sa souveraineté. On le retrouve dans les programmes du Fidesz hongrois, du PiS polonais, ou de Vox en Espagne.

Et comme si de rien n'était, sans qu'une inquiétude réelle se perçoive, ces droites progressent. Tous les derniers sondages à l'échelle européenne prévoient que le groupe de l'Europe des Nations et des Libertés, classé à l'extrême droite doublera sa représentation. L'AfD en Allemagne pourrait avoir une quinzaine de sièges, 5 pour le FPÖ en Autriche, 8 pour Vox en Espagne, 23 pour le Rassemblement National en France, 2 pour l'Aube Dorée en Grèce, les sondeurs alignent toujours la même prévision désespérante. Il est peu probable que cela donne une majorité de droite extrême au Parlement européen mais une petite musique sur un rythme des années 30 du siècle dernier va probablement rythmer les débats à Bruxelles, dans le plus grand désintérêt des électeurs qui s'apprêtent à s'abstenir avec constance.

De Rezovo en Bulgarie à Sagres au Portugal, l'UE a dressé ses barbelés. Et c'est peut-être qu'une certaine idée de l'Europe a déjà gagné.