Patrick CHASSERIAUD
Président du syndicat L’Eau d’ici
TRIBUNE LIBRE

La résistance éclairée de L’Eau d’ici

Le 4 novembre dernier, le conseil communautaire de la Communauté d’agglomération Pays Basque s’est prononcé en faveur d’une prise de la compétence “eau” sur l’ensemble de son territoire. Ce transfert a entraîné la gestion globale et intégrée de cette mission avec en ligne de mire l’harmonisation tarifaire du prix de l’eau pour toutes les communes du Pays Basque.

Néanmoins, cette délibération n’en est pas restée là puisqu’elle a, dans le même temps, signé l’arrêt de mort du syndicat mixte L’Eau d’ici alors qu’une poursuite de son activité était possible et légitime.

Nous le déplorons sincèrement eu égard à l’engagement que nous avons pris, depuis le début de notre mandat, devant nos administrés, pour améliorer la qualité du service public de l’eau potable tout en sécurisant le territoire.

A ce titre, le cadre juridique est clair et nous n’entendons pas engager une guerre fratricide en élevant le glaive de la justice. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) du 7 août 2015, le code général des collectivités territoriales et tout particulièrement ses articles L.5211-61, L.5212-33 et L.5216-7 convergent pour redéfinir les compétences des collectivités territoriales tout en s’appuyant sur les structures territoriales existantes. Ces dispositions ne sont pas destinées à conserver de belles tours d’ivoire, refuges de politiciens plantureux, mais constituent le socle d’un arsenal législatif solide au bénéfice de tous et en cohérence avec son territoire.

Le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs rappelé, le 18 septembre 2017, dans une note d’information aux préfets qu’il n’existait “aucune interdiction pour un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent en matière d'eau ou d'assainissement de transférer une partie seulement de l'une ou l'autre de cette compétence à un syndicat mixte auquel il adhère”.

En conséquence, la dissolution de L’Eau d’ici n’est pas une obligation juridique contrairement à ce que certains laisseraient entendre.

Face à cette décision brutale, le pragmatisme a laissé place à la technocratie. Il semble que la mariée soit trop belle : réactivité, proximité des élus de terrain, prise de décision, projet de maillage complet du territoire, multiplicité des sites de production, les qualités sont nombreuses…

Nous ne pouvons nous résoudre à ce manque de bon sens. Depuis le début de notre mandat, nous avons été amenés à rencontrer les préfets des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, la sous-préfète de Bayonne, le sous-préfet de Dax, le Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques et les services de l’Etat (DDTM, ARS…). Tous considèrent L’Eau d’ici comme une structure pertinente pour garantir la gestion de l’eau potable sur son périmètre.

Lors du dernier congrès des maires en novembre, le Premier Ministre, Monsieur Edouard Philippe, a souhaité “faire évoluer la loi” si un certain nombre de maires s’exprimaient en ce sens afin d’éviter le risque d’un renchérissement du coût de l’eau, d’une gestion moins directe de la ressource et d’une perte de la connaissance du réseau.

Cette “option” a été élevée par le Président de la République au rang de sujet majeur justifiant de le remettre à la discussion lors de la conférence des territoires et de créer des assises de l’eau à l’échelle nationale. Il est donc urgent “de répondre au vrai besoin qui est un besoin d’investissements, mais en tous les cas, de ne pas priver de manière brutale, unilatérale certaines communes pour qui c’est légitime, qui veulent le garder et pour qui c’est l’espace pertinent”. S’appuyer sur les structures existantes et sur le “bassin d’eau” est le gage d’un service public efficient.

La loi NOTRe comme les décisions qui ont été prises sur notre territoire souffrent de nombreuses incohérences. Le Président de la République et son Premier Ministre ont bien identifié ces carences.

C’est précisément pour cette raison que nous avons alerté les plus hautes instances de l’Etat de cette situation ubuesque. Il est temps de se saisir de ce sujet pour préserver l’intérêt général et la continuité du service public au 1er janvier 2018.

Défaire des outils locaux qui fonctionnent en lien direct avec les administrés va à rebours d’une gestion efficace des deniers publics. Quel service supplémentaire va-t-il être apporté en supprimant les structures existantes ? Des solutions ont pu être trouvées pour le syndicat des mobilités Pays Basque Adour, Bil Ta Garbi, le Scot et le syndicat des berges de l’Adour. Pourquoi pas pour L’Eau d’ici ?