Antton Rouget
Journaliste
NOUVELLES VIOLENCES POLICIèRES

Violences policières en banlieue: des policiers accusés de viol

Plus de dix ans après les émeutes de banlieues consécutives à la mort de deux jeunes poursuivis par la police, les quartiers sensibles français s’embrasent de nouveau depuis une semaine. En cause ? L’agression d’un jeune homme de 22 ans pour laquelle quatre policiers ont été mis en examen pour viol. Le ministre se contente d’appeler au calme...

Voilà un autre sujet pour lequel le quinquennat de François Hollande n’aura en rien différé de ceux de ses prédecesseurs, Jacques Chirac (1995-2007) et Nicolas Sarkozy (2007-2012).

Plus de dix ans après les émeutes de banlieues de 2005, consécutives à la mort de deux adolescents poursuivis par la police, un jeune homme de Seine-Saint-Denis, l’un des départements les plus pauvres de France, a été violemment agressé par les forces de l’ordre, samedi 4 février, au cours d’un banal contrôle d’identité.

Tandis que plusieurs témoins ont prouvé que la situation ne justifiait aucune tension, Théo, 22 ans, aurait subi un coup de matraque télescopique occasionnant une «déchirure de l’anus de 10 cm», selon le médecin qui l’a examiné et lui a prescrit soixante jours d’interruption totale de travail.

Après ces faits, quatre policiers ont été immédiatement suspendus. Trois d’entre eux ont été mis en examen pour «violences volontaires» et le quatrième pour «viol».

Cette agression a aussi immédiatement entraîné&punctSpace;une importante vague de protestations à Paris et dans plusieurs villes périphériques. Car, dans les banlieues françaises, la défiance à l’égard des pratiques policières est toujours plus grande.

Les responsables politiques ont beau répété à chaque nouvel incident qu’ils faut mettre un terme aux violences et que le «rapprochement» entre la police et la population est une priorité, aucune réforme d’ampleur n’a jamais été menée en ce sens, pas même celle de l’instauration du récépissé de contrôle d’identité, dispositif visant à limiter le nombre de contrôles policiers abusifs promis par François Hollande mais jamais appliqué. En parallèle, le sentiment d’impunité se renforce dans les rangs des forces de l’ordre à mesure que les enquêtes judiciaires sur les violences aboutissent à des non-lieu.

Dans ce contexte, les conclusions du rapport de l’IGPN, inspection générale de la police nationale, la «police des polices» ont été vécues sur place comme une nouvelle provocation. Dans ses premières constatations après l’agression du jeune Théo, cette dernière a en effet estimé que les blessures de la victime était le fruit d’un simple accident, contredisant ainsi la thèse du viol.

Loin d’apaiser la situation, un policier, également responsable syndical, a estimé jeudi en direct sur la télévision publique que les insultes racistes proférées à l’encontre du jeune homme restaient «à peu près convenables».

Au ministère de l’Intérieur, où l’on a demandé des «excuses» au fonctionnaire en question, l’épisode a été traité tel un incident. Bruno Le Roux, le nouveau locataire de Place Beauvau qui s’était déjà fait épingler pour sa méconnaissance des dossiers à l’occasion des arrestations de Louhossoa, s’est également contenté d’appeler la population au calme en attendant les conclusions de l’enquête judiciaire. Cette attitude n’est clairement pas à la hauteur de la gravité des événements. “Comment la Cour européenne des droits de l'homme qualifierait-elle un tel acte ? Elle le qualifierait d'un terme propre à la CEDH, elle le qualifierait de torture. Est-ce que la torture peut être imaginée comme technique d'interpellation ou d'immobilisation ? Jamais. Jamais !” a ainsi réagi sur France Info, Fabien Jobard, auteur de «Sociologie de la police». Au même moment, la justice condamnait condamnait les premiers manifestants qui ont participé aux mouvements de protestations de l'agression de Théo. Reconnus coupables de “délit d'embuscade en réunion” pour s'être rendus dans un lieu en vue de commettre des violences, cinq jeunes jugés en comparution immédiate ont été condamnés six mois de prison, assortis de sursis pour trois d’entre eux.

La «justice» défendue par le ministre de l’Intérieur est clairement plus efficace pour les uns que pour les autres.