Antton Rouget
Journaliste
RÉFÉRENDUM D’AUTODÉTERMINATION

La Nouvelle-Calédonie décidera de son avenir en 2018

Vingt ans après la signature des Accords de Nouméa, le peuple kanak de Nouvelle-Calédonie, un archipel situé dans l’océan Pacifique et colonisé par la France en 1853, décidera enfin de son avenir. Avant novembre 2018, les habitants de ce territoire inscrit par l'ONU sur la liste des pays à décoloniser se prononceront pour ou contre l’indépendance.

Dans le bouillon de l’actualité catalane, l’information ne devrait pas passer inaperçue. Vingt ans après la signature d’accords avec le Gouvernement français, le peuple kanak de Nouvelle-Calédonie, un archipel situé au nord-est de l’Australie, sera soumis à un référendum d’audodétermination l’année prochaine. En novembre 2018, au plus tard, selon des modalités qui restent encore à préciser, les quelques 260.000 habitants de ce territoire sur la liste des pays à décoloniser établis par l’Organisation des Nations unies (ONU) pourront se prononcer sur leur avenir. À savoir: rester dans le giron de la France, qui a colonisé cette région particulièrement riche en nickel en 1853, ou s’émanciper enfin de la tutelle de Paris.

Ce jeudi, au cours d’une réunion hautement symbolique à Matignon, résidence du Premier ministre qui avait accueilli les premières discussions entre représentants kanaks et français en 1988, le Gouvernement a renouvelé son engagement pris en 1998 d’organiser une consultation avant l’année 2018. Si le pouvoir central aura attendu le dernier moment pour s’y soumettre, s’est résolu à tenir sa promesse.

Le “dossier kanak” s’achemine donc vers une solution pacifique et négociée. Mais tout n’a pas toujours été aussi simple. Loin de là. Au début des années 80, tandis que la prise de conscience nationale se développe chez les habitants de l’archipel et que la revendication d’indépendance se diffuse, le pouvoir socialiste ferme toute porte au dialogue en Nouvelle-Calédonie, cette région riche en matières premières qui lui permet en plus de garder le contrôle sur des eaux territoriales dans le Pacifique.

Les tensions atteignent leur paroxysme dans la seconde moitié des années 80 et les affrontements dégénèreant en insurrection quasi généralisée durant la période dite des “événements”.

En avril 1988, tandis que la France se prépare à élire un nouveau président de la République, un commando du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS, fondé quatre ans plus tôt) attaque une gendarmerie et prend en otage vingt-sept militaires.

Le 5 mai, l’Armée française contre-attaque, libère les otages séquestrés dans la grotte d’Ouvéa en tuant 19 kanak.

Des membres du FLNKS et d'autres indépendantistes accuseront même les forces de l'ordre françaises d'avoir «exécuté sommairement» certains preneurs d’otages après l’assaut.

Cet événement tragique sera à l’origine des premières discussions officielles, celles des Accords de Matignon de juin 1988 au lendemain de la réélection du président socialiste François Mitterrand. Grand artisan de l’aboutissement de ces discussions, le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou sera assassiné le 4 mai 1989, avec Yeiwéné Yeiwéné, son bras droit au FLNKS, lors de la première commémoration de la tragédie d’Ouvéa.

Dix ans plus tard, la signature des Accords de Nouméa, la capitale de la Nouvelle-Calédonie, viendront tout de même entériner le processus d’autodétermination, en inscrivant dans le marbre l’organisation d’un référendum dans l’archipel.

Vingt ans plus tard, à la veille de la consultation, représentants kanaks et français doivent encore trancher des points cruciaux de ce processus. Les discussions s’attardent notamment sur la définition du corps électoral qui sera appelé aux urnes l’année prochaine. “Quelles limites fixer?”, “Que faire des ressortissants français arrivés dans l’Archipel après 1998?”, etc. Tandis que les négociations semblent progresser sur le sujet, le Premier ministre Edouard Philippe se rendra prochainement en Nouvelle-Calédonie.

Devant une association engagée contre l’indépendance, le président Emmanuel Macron a lui insisté sur les prétendus «bienfaits» de la colonisation française. De quoi raviver les blessures du passé.