Antton Rouget
Journaliste
PRIMAIRES DE LA GAUCHE

Le parti socialiste (PS) joue ce dimanche une partie de sa survie

Le premier tour de la primaire de la gauche, organisée par le PS et quelques partis satellites, se tient ce dimanche dans toute la France. Le scrutin vise en théroie à désigner le candidat socialiste qui se présentera à la présidentielle du mois d’avril. Il clarifiera surtout les perspectives de la gauche française tandis que le PS est au bord de la dislocation

L’heure de vérité est proche pour le parti socialiste français. Tandis que l’extrême-droite et la droite sont déjà en ordre de bataille depuis plusieurs semaines pour présenter Marine Le Pen et François Fillon à l’élection présidentielle du mois d’avril, la gauche avance toujours dans le brouillard depuis le renoncement de François Hollande à se présenter pour un second mandat.

L’ancien sénateur Jean-Luc Mélenchon –soutenu par une partie de l’extrême-gauche et le parti communiste -, le député européen écologiste Yves Jadot ainsi que l’ex-ministre Emmanuel Macron– qui incarne une ligne clairement libérale - sont certes déjà entrés en campagne. Mais, le premier tour de la primaire organisée ce dimanche par le parti socialiste et quelques partis satellites doit enfin clarifier les possibilités de chacun. Il donnera aussi un aperçu des perspectives pour un PS plus isolé que jamais, dont la dislocation devient clairement une hypothèse envisageable.

Car, au-delà de son renoncement final, le quinquennat de François Hollande qui s’achève a ruiné tout un camp en un temps record. Pour rappel, depuis 2012, le parti socialiste a, à peu de choses près, renoncé sur tout ce que les électeurs attendaient de lui : il a poursuivi les politiques libérales de la droite européenne sans même engager de bras de fer avec Berlin, il a instauré les mesures les plus sécuritaires de la Ve République et prolongé l’état d’urgence pour une durée record, il a multiplié les cadeaux au grand patronat, il a refusé d’accueillir en conséquence les milliers réfugiés qui frappent aux portes de l’Europe, il a engagé la France dans une flopée de conflits armés en Afrique, etc. N’importe quel électeur ayant voté pour la gauche en 2012 trouve aujourd’hui une grosse faute à lui reprocher.

Sauf ceux (très rares) qui jugent suffisant le fait que François Hollande ait apaisé le climat politique - là où Sarkozy électrisait les débats -, instauré le mariage homosexuel et rendu une certaine indépendance à la justice, notamment sur les questions politico-financières.

Cinq ans plus tard, le désaveu est cinglant pour le président, son gouvernement et son parti. Alors que le PS détenait en 2012 tous les leviers de pouvoir locaux et nationaux, il n’a pas remporté une seule élection depuis cette date. Pire : le PS a aujourd’hui pris l’apparence d’une coquille vide, désertée de ses militants et où ne résistent que des élus accrochés à leurs fauteuils.

Dans ce contexte, la primaire qui s’annonce ressemble de plus en plus à un scrutin interne qu’à la désignation d’un potentiel présidentiable. D’autant que les quatre favoris de l’élection rêvent avant tout de reprendre en main le parti dans le but de le remettre en ordre de marche pour l’élection 2022, quitte à tirer un trait sur 2017.

Tous de la même génération –la cinquantaine– ils ferraillent ensemble dans les coulisses du parti depuis 20 ou 30 ans et estiment que l’échec de François Hollande symbolise la fin d’une époque.

Parmi eux, l’ancien Premier ministre Manuel Valls est certainement celui qui a le plus à perdre. D’abord parce qu’il incarne clairement les orientations économiques et sécuritaires du quinquennat. Lors de la primaire de 2012, ce jeune député encore méconnu n’avait réuni que 5% des suffrages mais il est désormais évident qu’une défaite, même de plus faible ampleur, le bloquerait certainement dans sa volonté de phagocyter la gauche.

Ses trois principaux concurrents –tous des anciens ministres de son gouvernement– sont d’ailleurs déterminés à le bloquer dans ce projet. Le premier d’entre eux, l’ex-ministre de l’Economie Arnaud Montebourg avait quitté son poste pour s’opposer à la dérive libérale de la majorité. Il rêve aujourd’hui d’imposer sa stratégie protectionniste. Plus à gauche, Benoît Hamon –qui avait quitté le gouvernement en même temps que Montebourg– a lui mené campagne sur l’instauration d’un revenu universal versé par l’Etat à tous les demandeurs d’emploi et salariés à faibles revenus. L’ancien ministre de l’Education Vincent Peillon réunit lui, plus au centre, de nombreux parlementaires sur une ligne légèrement contestataire du quinquennat.

A leurs côtés, les candidatures de Sylvia Pinel (parti radical) et des écologistes François de Rugy et Jean-Luc Benhamias ont l’apprence de faire-valoir pour donner l’impression que le PS n’est pas le seul parti engagé dans cette primaire.

Mais ce stratagème n’a trompé personne et l’isolement du PS&punctSpace;est manifeste. Surtout depuis que les candidatures de Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron ont pris de l’ampleur. A la différence des socialistes, ces deux candidats font salles pleines et génèrent un tel engouement qu’ils prennent en tenaille le PS sur sa gauche et sa droite.

Valls, Montebourg, Peillon et Hamon ont jusqu’ici contesté l’hypothèse selon laquelle il serait plus efficace de retirer leur candidature au profit de celle de Mélenchon ou Macron. Tous espèrent en effet qu’une forte participation au premier tour de la primaire –autour de 2 ou 3 millions d’électeurs– leur donnera une légitimité pour reprendre la main.

Dans le cas contraire, en revanche, le parti socialiste risque clairement sa dislocation. La gauche se réorganiserait alors autour de 2 pôles nettement différenciés.