Antton ROUGET
BAIONA

Le FN, unique vainqueur de l’élection européenne dans l’état français

Le séisme du 21 avril 2002 - jour où Jean-Marie Le Pen accédait au second tour de l’élection présidentielle - avait stupéfié la France. Bien qu’attendue, sa réplique, ce dimanche 25 mai 2014, a également sidéré par sa violence.

Marine Le Pen. (Pierre ANDRIEU/AFP)
Marine Le Pen. (Pierre ANDRIEU/AFP)

Surfant sur un lourd climat eurosceptique et de défiance vis-à-vis du gouvernement socialiste, le mouvement d’extrême droite de la famille Le Pen a su tirer profit d’une forte abstention (à 56% en légère baisse par rapport à 2009) pour obtenir son meilleur score dans un scrutin national. En quadruplant son résultat d’il y a cinq ans (autour de 25% selon les estimations), le parti frontiste a réussi le pari de s’imposer dans une élection qui lui est pourtant traditionnellement défavorable, reléguant l’UMP à cinq points et le Parti socialiste à près de 10 points. Pour la gauche non-gouvernementale (environ 15% des voix) et les centristes (10%), l’élection est aussi un échec.

Quel retournement de situation! En 2009, le scrutin européen révélait l’état calamiteux du parti d’extrême-droite alors dirigé par Jean-Marie Le Pen : en perte d’électeurs et en proie à de grandes difficultés financières, le mouvement recueillait de piètres résultats (6,34%) et vendait son siège historique «le Paquebot» pour renflouer ses caisses.

A peine cinq ans plus tard, des résultats exceptionnels viennent couronner la stratégie de dédiabolisation initiée par la fille du dirigeant frontiste. A la tête du FN depuis 2011, Marine Le Pen a changé l’image du parti pour le rendre acceptable sans pour autant toucher au discours. Tout aussi populiste, europhobe et anti-immigrés.

La victoire du Front national révèle également l’incapacité des partis républicains (droite et gauche confondus) à mobiliser leurs électorats respectifs malgré la menace d’un basculement vers l’extrême-droite.

Pour l’UMP, la deuxième place du scrutin avec environ 20% des voix est un trompe l’oeil. Arrivé en tête en 2009, le parti néogaulliste perd près de 8 points (27,88%) mais aussi son leadership dans l’opposition au gouvernement socialiste.

Ces résultats devraient en outre attiser les fortes divisions à l’intérieur d’un mouvement  déjà gangréné par les affaires politico-financière - dont la dernière touche directement le président du parti Jean-François Copé - et en voie de «balkanisation» autour de plusieurs dirigeants depuis la sevère défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012.

L’alliance centriste UDI-Modem réunie sous la bannière «Les européens» et alliée à l’UMP en 2009 obtient 10% des suffrages, là aussi en deçà des attentes de certains de ses dirigeants qui rêvaient de franchir la barre des 15%.

La gauche «en péril»

Si le Parti socialiste ne perd qu’un peu plus d’un point par rapport à 2009 (de 16,48% à moins de 15%), c’est également un des grands perdants du scrutin. Après la déroute des élections municipales, le parti de la Rose confirme l’érosion rapide de son électorat depuis la présidentielle remportée en 2012. L’implication dans la campagne du nouveau Premier ministre Manuel Valls n’y aura rien fait : les électeurs ont sanctionné un parti prônant une politique anti-austérité à Bruxelles, à l’inverse de celle menée par François Hollande à Paris. « Ce scrutin est plus qu'une nouvelle alerte, c'est un choc, un séisme pour tous les responsables politiques » a notamment réagi le Premier ministre à l’issue du scrutin face à l’explosion du FN et « au score médiocre des partis de gouvernement, tout particulièrement de la majorité et de la gauche».

A la gauche du Parti socialiste, ni Europe Ecologie Les Verts, sorti du gouvernement par désaccord avec Manuel Valls (8,7%, en perte de 8 points par rapport à 2009), ni le Front de gauche (autour de 6,5% comme en 2009) n’ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Le néo-parti anti-austérité de Nouvelle Donne, le Nouveau parti anticapitaliste et Lutte ouvrière sont eux crédités de moins de 5% des suffrages.

Tous scores cumulés, la gauche française a perdu plus de 8 points par rapport aux élections de 2009. "Jamais la gauche n'a été aussi basse. Il y a péril en la demeure" a ainsi alerté Jean-Luc Mélenchon, porte-parole du Front de gauche, à l’issue du scrutin. Plusieurs parlementaires socialistes ont appelé à un «changement de cap» en matière de politique économique. Un appel au réveil de la gauche avant qu’un nouveau séisme ne finisse de la mettre à genoux.