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CORRUPTION EN FRANCE

Relation police - banditisme : le retour des « Ripoux »

Dans un contexte de multiplication des scandales autour des relations entre des policiers et des indicateurs du grand banditisme, l’ancien «super-flic» Michel Neyret a été condamné cette semaine à deux ans de prison pour «corruption». Le ministre de l’Intérieur M. Cazeneuve tarde à réagir face à un phénomène qui revient sur le devant de la scène.


L’expression est devenue célèbre depuis la diffusion d’un film à succès de 1984. Trente ans que les « Ripoux » (verlan de «pourris»), ces policiers qui n’ont pas peur de passer de l’autre côté du code pénal, cartonnent sur les écrans... et dans la réalité..

Tandis que le phénomène est assimilé à une glorieuse pratique du passé, le temps où le policier flirtaient –ou bien plus – avec le grand banditisme est loin d’être révolu.

Pas plus tard que ce mardi, c’est l’ancien commissaire lyonnais Michel Neyret qui s’est s’est fait pincer. Accusé d’avoir transmis de nombreux renseignements confidentiels à deux de ses contacts, l’ancien directeur adjoint de la police judiciaire de Lyon a été reconnu coupable de corruption et trafic d’influence et condamné à deux et demi de prison ferme à peine. Il ne retournera cependant pas derrière les barreaux, qu’il a déjà connus pendant neuf mois.

L’affaire Neyret est celle d’un ancien «super-flic», adulé par la profession, qui franchit la ligne rouge sans même voir le problème. Lors de son procès, l’ancien policier avait ainsi assuré que les renseignements qu’ils fournissaient servaient à entretenir une relation professionnelle avec deux informateurs potentiels liés au grand banditisme. Une version battue en brèche par les juges : non seulement Neyret n’a reçu aucune information en échange de ses services violant le secret de l’enquête, mais en plus, les deux membres du milieu lyonnais qu’il alimentait lui retournaient en échange de ses filons cadeaux et d’argent liquide. Devant le tribunal correctionnel de Paris, le ministère public avait d’ailleurs dénoncé des «pratiques déloyales et dangereuses car elles impliquent d’adopter le même langage et le même mode de raisonnement que les trafiquants».

Une fermeté justifiée par la recrudescence des affaires de corruption que d’aucuns pensaient cantonnés aux années 80. La condamnation du commissaire lyonnais intervient en effet dans une actualité marquée par une multiplication des scandales autour des liaisons dangereuses entre des policiers et gendarmes et leurs indicateurs. Depuis plusieurs semaines, le cas de François Thierry, l’ancien patron de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), attise les débats sur les relations entre le grand banditisme et les forces censées le combattre.

Selon des enquêtes successives du Canard Enchaîné puis de Libération, le commissaire qui dirige la lutte antidrogue française depuis 2010 est soupçonné d’avoir laissé entrer dans le pays plusieurs dizaines de tonnes de cannabis au cours des dernières années, avec la complicité d’un des plus gros trafiquants européens, recruté par ses soins. Un témoin anonyme a notamment raconté cette scène édifiante : “Pendant 20 jours, cinq hommes se sont relayés pour charger et décharger des paquets de drogue sur une plage espagnoles. François Thierry me les a présentés comme des policiers français. J'en avais déjà vu certains à l'OCRTIS”.

Un dernier exemple illustre un état de corruption endémique et la passivité des politiques. Responsable de l’agrément et du contrôle des agents et entreprises de sécurité privés, le préfet sarkozyste Alain Gardère est, ces derniers mois, au coeur d’une vaste enquête pour «prise illégale d’intérêt» et «corruption passive». Mis en examen depuis janvier, il est soupçonné d’avoir bénéficié de cadeaux d’entreprises en échange de “services rendus”.

Face à tous ces scandales récents - auxquels il convient d’ajouter la mise en examen de Bernard Squarcini, ancien chef du renseignement sous M. Sarkozy, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve reste étrangement silencieux. Pour certains magistrats, cette absence de réaction restera comme l’un des plus grands échecs de la gauche au pouvoir. A-t-elle seulement les moyens de mettre fin à ce système ? Et la volonté ?