Antton Rouget
Journaliste freelance
UN CARDINAL DANS LA TOURMENTE

Un nouveau scandale de pédophilie secoue l'Église

Les révélations autour de deux prêtres accusés d’actes de pédophilie dans le diocèse de Lyon ont plongé les autorités religieuses françaises dans la tourmente. Le puissant cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, est mis en cause par les victimes qui l’accusent d’avoir couvert les prêlats malgré les alertes. Une enquête judiciaire est en cours.

C’est un hasard du calendrier qui renvoie violemment l'épiscopat français à ses responsabilités. Au moment où le film Spotlight sur la découverte à Boston de l'un des plus importants scandales d'abus sexuels dans l'Eglise cartonne sur le grand écran (Oscar 2016 du meilleur film), une autre affaire rattrape les autorités religieuses de l'Hexagone. Dans le diocèse de Lyon, deux prêtres toujours en poste malgré les soupçons sont accusés d'avoir abusé sexuellement de dizaines enfants et les plus hautes responsables ecclésiastiques de les avoir couverts pendant des années. Rien à voir, pour l'instant, avec l'ampleur du scandale de Boston et ses plus de 200 religieux démasqués. Mais, pour l'Eglise française, la concomitance entre les deux actualités est des plus fâcheuses. Elle interroge notamment sur le manque de fermeté de l'institution à l'égard de la pédophilie.

L'affaire lyonnaise puise son origine dans plusieurs plaintes déposées fin 2015 par La Parole libérée, association locale qui a fini par recenser pas moins de 60 victimes présumées d'un prêtre qui encadra un groupe de scouts des années 1970 à 1991. Vingt cinq après les faits, l'abbé Preynat, doyen de plusieurs paroisses dans le Roannais jusqu'à fin août 2015, est mis en examen le 27 janvier pour des agressions sexuelles sur quatre victimes.

Les révélations sur les agissements du père Preynat ont aussi délié les langues. En février, un signalement est adressé au parquet de Lyon concernant d'autres actes pédophiles remontant au début des années 1990 et la justice ordonne l'ouverture d'une enquête préliminaire afin d'enquêter sur un signalement sur ces faits commis par un prêtre toujours en poste. Ce dernier vient seulement d'être relevé de ses fonctions cette semaine.

Un troisième scandale pourrait alourdir le dossier. Mercredi, Le Parisien a en effet révélé qu'un prêtre, condamné en 2007 pour des agressions sexuelles sur quatre étudiants dans un foyer dont il avait les responsabilités, encadre aujourd'hui des jeunes pratiquants du diocèse. L'un des vicaires du diocèse a bien tenté de déminer ce dossier sur Europe 1 rappelant que « la justice a été rendue » dans ce dernier cas, les autorités ecclésiastiques peinent à expliquer comment les religieux ont pu continuer à exercer malgré les suspicions.

Derrière ces successions de faits divers, le cardinal Philippe Barbarin est dans le viseur des victimes, qui assurent avoir alerté en vain le puissant archevêque de Lyon avant de se tourner vers la justice et les médias. Saisi par des parties civiles, le parquet de Lyon a ainsi ordonné début mars une enquête préliminaire pour faire la lumière sur leurs accusations de « non-dénonciation » d'atteintes sexuelles et de « mise en péril de la vie d'autrui ».

Pour sa défense, Mgr Barbarin a expliqué dans les colonnes du quotidien catholique La Croix avoir été mis au courant par un tiers de « comportements » du père Preynat « vers 2007-2008 » mais avoir « fait confiance » à ce prêtre qui lui aurait assuré ne pas avoir commis de nouveaux actes pédophiles depuis 1991.

Mardi, en conférence de presse, le primat des Gaules n'a pas arrangé son cas avec cette déclaration lourde de sens : «La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits, mais certains peut-être pas.». Comme si seul lui importent d'éventuelles poursuites judiciaires.

Pourfendeur de l'avortement et du mariage homosexuel, Barbarin souhaite ici évacuer tout débat éthique ou moral. La très discrète secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes, Juliette Méadel a elle estimé jeudi que la démission du cardinal est une évidence malgré la possible prescription des faits : "C'est la moindre des choses ! Il devrait, en termes purement individuels, en tirer des conclusions importantes, et certainement pas se cacher derrière des arguties juridiques". Les autorités religieuses pourront également difficilement échapper à un débat éthique qui reste tabou au sein de l’Eglise.