Antton Rouget
Journaliste freelance
LA GAUCHE FRANçAISE EN DÉTRESSE

La primaire de la gauche vire déjà à la farce démocratique

Les candidatures d’anciens ministres de François Hollande se multipilient en vue de la primaire qui doit désigner le candidat socialiste à la prochaine élection présidentielle. Mais, tandis que le quinquennat laisse un parti en lambeaux, ce scrutin interne se présente plus comme une guerre d’écuries que comme un vrai débat sur la ligne idéologique du PS

Les semaines se suivent et se ressemblent tristement pour la gauche française. Dans le sillage d’un président de la République ayant renoncé à défendre programme et convictions dès son arrivée à l’Elysée, le parti socialiste français s’enfonce inexorablement dans la plus spectaculaire crise de son histoire.

Tandis que François Hollande –dont le niveau de défiance dans l’opinion a atteint des records– a renoncé à se présenter à l’élection présidentielle de 2017, les militants du PS pensaient enfin pouvoir se tourner vers l’avenir en reconstruisant leur parti sur des bases saines.

Las, au lieu d’un débat d’idées et d’un inventaire de ce quinquennat catastrophique en nombreux points, ne se profile à l’occasion de la primaire du mois de janvier qu’une énième bataille de chefferies, toutes convaincues que la gauche a dores et déjà perdu en 2017 et déterminées à mettre la main sur un parti en lambeaux.

Le contraste avec 2011&punctSpace;est saisissant. Cette année-là, porté par une vague de succès électoraux historiques, le parti socialiste s’apprêtait à reprendre le pouvoir en organisant les premières primaires de l’histoire de la vie politique française. Un exercice démocratique, certes très limité, mais qui avait eu le mérite d’engager dans la campagne des millions d’électeurs favorables à une rupture franche avec les politiques de droite menées depuis plus de deux décennies. Cinq ans plus tard, au lendemain d’une primaire de la droite et du centre qui a vu une participation massive, le parti socialiste s’apprête à renouveler l’exercice dans un climat des plus délétères.

Nombreux sont les ministres et anciens ministres de François Hollande qui ont fait acte de candidature. Mais leur démarche est aujourd’hui plus animée par le désir de prendre la main sur la parti après la présidentielle de 2017 que par une volonté manifeste de redéfinir le corpus idéologique de leur camp.

Il en est ainsi de la candidature de Manuel Valls qui a démissionné de son poste de Premier ministre lundi pour se consacrer à la campagne. Beaucoup dans l’entourage de ce dernier pensent que le combat pour la prochaine élection est perdu d’avance. Mais, le théoricien des «deux gauches irréconciliables» (gauche keynesienne et gauche libérale) rêve désormais de s’imposer en rassembleur d’un camp qu’il a grandement contribué à diviser et à essoufler.

Au milieu de ses ambitions personnelles assumées, les militants et élus ont perdu le Nord. Les derniers partisans de François Hollande rechigne à se ranger derrière Manuel Valls tandis que l’aile gauche du parti, une nouvelle fois débordée, se divise sur la stratégie à adopter entre les candidatures des anciens ministres Arnaud Montebourg, Benoit Hamon ou de l’improbable Vincent Peillon (qui avait annoncé son retrait de la vie politique...).

Face à cet improbable champ de ruines, le Premier secrétaire du PS&punctSpace;Jean-Christophe Cambadelis pédale dans la semoule pour éviter le ridicule à un mois et demi de la primaire. Cela donne droit à des situations ubuesques. Exemple ce jeudi : en même temps qu’il rejetait les candidatures de dirigeants de petits partis satellites du PS à la primaire, M. Cambadelis a invité l’ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron (représentant le centre-gauche) et Jean-Luc Mélenchon (soutenu par lz parti communiste) à participer au scrutin interne.

Mais, ni l’un ni l’autre ne souhaitent participer à une élection qu’ils estiment faite pour appuyer la campagne d’un candidat portant l’héritage de François Hollande.

Car, dans les rangs du PS, rares sont encore les critiques sévères envers le président. Le quinquennat du président socialiste est pourtant le révélateur des défaites et renoncements d’un camp qui s’est dérobé sur ses propres bases. Il est aussi à la fois cause et conséquence d’une chute interminable vers les bas-fonds de la politique.