Antton Rouget
Journaliste freelance
LES AGRICULTEURS MANIFESTENT

Le gouvernement sans solution durable face à la crise agricole

A l’appel des fédérations locales de la FDSEA et des Jeunes Agriculteurs (syndicats classés à droite) de nombreuses manifestations agitent la France depuis plusieurs semaines. Le gouvernement a présenté un plan d’aide visant à aider les producteurs les plus endettés mais les syndicats de gauche appellent à un changement de modèle.

Le gouvernement de Manuel Valls avait cru qu’un énième “plan d’aide” altérerait la colère des agriculteurs français. Le 22 juillet, à la veille des vacances de l’exécutif, le Premier ministre présentait en grandes pompes un plan d’urgence visant à accompagner les éleveurs en difficulté. 600 millions d’euros destinés aux professionnels «confrontés à des difficultés de remboursement de leurs emprunts» et une promesse d’engager un «travail de restructuration des dettes bancaires».

Un mois plus tard, le soufflé n’est pas retombé. Pire: ni les engagements politiques, ni les vacances n’ont ébranlé la détermination d’agriculteurs qui ont multiplié ces derniers jours les actions contre les symboles de la grande distribution, de l’Etat et des partis politiques de gouvernement.

En début de semaine, des centaines d’éleveurs ont ainsi déversé des déchets devant plusieurs préfectures et grandes surfaces. Jeudi soir, à Toulouse, des militants des Jeunes Agriculteurs (proche de la FDSEA, syndicat classé à droite) s’en sont pris aux permanences du Parti socialiste, des Républicains (ex-UMP) et d’Europe Ecologie Les Verts.

Organisés par les fédérations locales des syndicats FDSEA et Jeunes Agriculteurs –alors que les directions nationales semblent dépasser par leurs bases– les manifestations dénoncent, sur fond de crise économique, la concurrence déloyale des producteurs et éleveurs étrangers ainsi que les normes auxquels sont soumis les agriculteurs français. «La réglementation qui nous est imposée ne l’est pas aux producteurs étrangers» déplore ainsi Jean-Marc Couturejuzon, porte-parole des Jeunes Agriculteurs pour le département des Pyrénées-Atlantiques, syndicat qui a organisé ces derniers jours de nombreux contrôles de marchandises dans des centres de transformation de viande ou chez des transporteurs.

La crise qui touche le monde agricole n’a rien d’un orage passager. En 2009, déjà, un important conflit, qui couvait en réalité depuis le printemps 2008, explosait, opposant pendant plusieurs semaines producteurs de lait et industriels. Les éleveurs dénonçaient alors les marges de la grande distribution ainsi que l’augmentation du niveau des quotas par la Commission européenne, mesure empêchant toute remontée des prix.

Six ans plus tard, faute de solution durable, la crise n’a fait que s’élargir à d’autres secteurs de l’agriculture française, qui fut longtemps la plus dynamique d’Europe en terme de production mais est désormais dépassée par l’Allemagne ou les Pays-Bas. Après les producteurs de lait, se sont aujourd’hui les éleveurs bovins ou de porcs qui dénoncent l’impossibilité de se rémunérer sur la base des tarifs imposés par les industriels.

Inégal, le bras de fer entre agriculteurs et intermédiaires tourne régulièrement à l’avantage de ces derniers. Ainsi, alors que des négociations entre gouvernement, éleveurs et industriels avaient permis, au début de l’été, de fixer un prix d’achat pour la viande porcine, deux des plus gros industriels ont depuis unilatéralement revu à la baisse les tarifs et boycottent les réunions tripartites.

Si tous les éleveurs identifient les mêmes causes de la crise, d’importantes divergences apparaissent dès que sont abordées les solutions permettant de la juguler. «Ceux qui envoient les paysans sur les barricades sont aussi ceux qui siègent dans toutes les interprofessions et dans les conseils d'administration des coopératives et qui n’ont de cesse, derrière de faux discours, d’organiser la fuite en avant, la suppression des outils de régulation» ont vertement critiqué la Confédération paysanne et Euskal Laborarien Batasuna. Alors que la FDSEA plaide pour une baisse des normes en France, les deux syndicats estiment qu’il faut «revoir toute l’organisation de la production agricole en France». Faute de quoi, la crise actuelle ne fera que se répétée.