Antton Rouget
Journaliste freelance
PRIMAIRE DE LA DROITE ET DU CENTRE

La droite française lancée dans une course folle au libéralisme

Les électeurs de la droite et du centre sont appelés aux urnes, dimanche, pour élire celui qui sera leur candidat à la prochaine élection présidentielle. Bien peu de choses différencient sur le fond François Fillon d’Alain Juppé, même si le maire de Bordeaux a tout fait cette semaine pour se démarquer de son rival et favori des sondages

Du Brexit à l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, les résultats des scrutins ne cessent de se déjouer des sondages. La primaire française de la droite et du centre –visant à choisir celui qui sera candidat à la prochaine présidentielle– n’a pas échappé à cette tendance.

En remportant 44% des voix, l’ancien Premier ministre François Fillon, que beaucoup voyaient en troisième homme talonnant Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, a pris la main avec un avantage conséquent. Longtemps équipé de la casquette d’outsider, François Fillon a enfilé le costume de grand favori du second tour, demain.

En découvrant que celui que Sarkozy surnommé avec mépris «mon collaborateur» pouvait prendre les reines du pays, l’opinion s’est penchée sur le programme d’un homme qualifié de «Tatcher à la française».

La recette de François Fillon pour «redresser» l’économie n’a en effet rien à envier à l’ancienne cheffe du gouvernement anglais. Suppression de 500&flexSpace;000 postes de fonctionnaires, fin de la limitation du temps de travail à 35h, casse du «monopole» des syndicats dans les négociations en entreprises, suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune, .... : Fillon propose un vrai «choc libéral» pour le prochain quinquennat. Une stratégie à revers des trajectoires empruntées par d’autres grandes puissances. Tandis que tout le monde s’accorde à dire que la potion d’austérité imposée à la Grèce n’a fait que dégrader son économie, des pays comme les Etats-Unis –pourtant pas les moins libéraux– tentent de relancer leur croissance par de l’investissement.

Mais, symbole d’une droite ayant fait de la diminution des impôts une obsession, François Fillon a cure de ces constats venus de l’étrangers. Et ce n’est pas son concurrent du second tour qui va le contredire. Dans des termes certes plus mesurés, le maire de Bordeaux Alain Juppé -–très largement soutenu par le centre –n’envisage lui aussi qu’une reprise économique par la réduction des déficits.

Au lieu des 500&flexSpace;000 postes de fonctionnaires de François Fillon, lui propose d’en supprimer 300&flexSpace;000. Au fond, leurs programmes diffèrent bien peu. Une analogie qui a poussé Alain Juppé, en ballotage très défavorable avant le second tour, à se démarquer principalement sur le terrain des «valeurs» et du projet de société.

En montrant à quel point le programme de François Fillon est rétrogade, les proches d’Alain Juppé ont essayé de cliver le débat sur les enjeux sociétaux. En 1981, alors qu’il était un jeune député, François Fillon a en effet voté contre la dépénalisation de l’homosexualité. Et plus de trente ans plus tard, le favori des sondages de la primaire se dit opposé au «mariage pour tous» voté en 2013 ou même, à titre personnel (la proposition ne figure pas dans son programme) contre l’interruption volotaire de grossesse (IVG).

L’occasion pour Alain Juppé – qui a été rallié par Nathalie Koscusko-Morizet, seule femme candidate à la primaire– de se poser en défenseur des droits des homosexuels et de l’égalité hommes-femmes. L’habit est inhabituel pour le maire de Bordeaux, pas vraiment réputé pour être le plus progressiste des hommes politiques français, mais Alain Juppé joue là son va-tout. Selon ses calculs, des centaines de milliers d’électeurs de gauche ont en effet participé au premier tour de la primaire afin d’éliminer la candidature de Nicolas Sarkozy, y compris en votant pour François Fillon en attachant peu d’importance à son programme.

Alain Juppé espère ainsi récupérer cet électorat de gauche pour faire barrage à François Fillon, sans pour autant perdre le soutien de sa base à droite et au centre. L’équation s’annonce compliquée à résoudre, mais au final, une chose est certaine : M.Fillon ou M. Juppé, c’est un candidat profondément libéral qui remportera l’élection.