Antton Rouget
Journaliste freelance
ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE 2017

Hollande et le parti socialiste optent finalement pour la primaire

À un an de la présidentielle, François Hollande s’est finalement résolu à accepter le principe d’un scrutin interne pour désigner le futur candidat de la gauche à l’élection. Si les modalités de vote restent inconnues, tout laisse à croire que, derrière des justifications démocratiques, l’exercice ne servira qu’à essayer de sauver un président à la dérive

C’est un de ces revirements dont il a le secret. Après avoir fait répéter par ses proches pendant des mois qu’un président de la République sortant était un candidat naturel à sa réélection, qu’il ne pouvait se rabaisser à participer à une élection interne et qu’il restait de toute façon le candidat naturel de la gauche, François Hollande a une nouvelle fois pris tout son monde à contre-pied. En grande difficulté à un an de la présidentielle, celu i qui ne cache pas son ambition de rempiler pour un second quinquennat s’est finalement résolu à passer par la case d’une élection interne au parti socialiste pour être adoubé par les militants.

L’opération en dit beaucoup de la faiblesse du président de la République après quatre années d’un mandat calamiteux à de nombreux égards, de l’absence de soutien à sa politique libérale et de l’éclatement historique de la gauche. En acceptant de participer à une primaire visant à désigner le candidat de gauche - au risque de perdre cette élection avant même la présidentielle - François Hollande abat une de ses dernières cartes pour redresser un camp qui n’a plus de colonne vertébrale.

L’hypothèse d’une élection interne a pourtant longtemps était inconcevable pour de nombreux de ses conseillers. Tandis que, dès le printemps 2015, l’aile gauche du parti socialiste commençait à contester la légitimité de François Hollande à se représenter sans le vote de la base militante, plusieurs responsables du parti avaient fermement contesté cette idée.

Il en va ainsi du Premier ministre Manuel Valls, lequel déclarait en janvier que «le président de la République sortant n'a pas à se soumettre à une primaire, qui ne concernera d'ailleurs pas toute la gauche».

Même tonalité pour Bruno Le Roux, responsable du groupe PS à l’Assemblée nationale, en mai 2015 : «La primaire est destinée aux partis qui sont dans l’opposition».

À la même période, François Rebsamen, qui était alors ministre du Travail et réputé proche de François Hollande, estimait également que "quand on a un président de la République sortant, on ne fait pas de primaire".

Et le ministre d’ajouter, comme pour s’en convaincre : «Surtout s'il est bien et bon, comme aujourd'hui (...) Son travail va porter ses fruits et il est estimé à l'étranger».

Là réside sans doute le principal problème de François Hollande : son bilan, tellement contesté à gauche que, pour éviter de faire face à une floppée de candidatures dissidentes, le président a dû accepter le principe d’une primaire qu’il ne souhaitait initialement pas.

Alors que l’organisation d’un scrutin interne était une de ses principales revendications, l’aile gauche du PS&punctSpace;reste paradoxalement méfiante au lendemain de cette annonce. Les Arnaud Montebourg, Christian Paul, Benoît Hamon, Aurélie Filippetti, Marie-Noëlle Lienemann et autre Laurent Baumel (cadres du mouvement opposés à la ligne gouvernementale) attendent d’en savoir plus sur les modalités d’organisation de cette primaire avant de se prononcer.

Avec près de trois millions d’électeurs, celle ayant désigné François Hollande comme candidat de la gauche en 2011 avait été un réel succès populaire et politique. Mais, les contestataires du PS redoutent que ce nouveau scrutin ne serve finalement, derrière de louables justifications démocratiques, qu’à habiller une candidature de François Hollande. Le parti a-t-il les moyens (et l’ambition) de faire se déplacer des millions d’électeurs en quelques mois ? Que faire des partis de gauche et écologistes qui rejettent cette primaire ? Comment un président trouvera-t-il le temps de se soumettre à une campagne interne ? Autant de questions auxquelles n’a pas répondu Jean-Christophe Cambadelis, le docile premier secrétaire du PS.

Le piège s’est refermé sur les contestataires du gouvernement, jubilent au sommet de l’Etat certains conseillers présidentiels. En accedant à une de leurs revendications, François Hollande bloque en effet les dissidences en leur imposant ses modalités de sélection et son calendrier. Mais, alors que la primaire pour élire le candidat de la droite et du centre tourne déjà à la mascarade avec pas moins de douze concurrents déclarés, celle de la gauche ne s’annonce ainsi pas plus glorieuse. Avec la primaire, le piège s’est définitivement refermé sur la démocratie.