Antton Rouget
Journaliste
ELECTION PRESIDENTIELLE

F. Hollande et son gouvernement refusent de faire campagne

À un mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle, le président François Hollande et les poids lourds de son gouvernement refusent de s’engager clairement dans la campagne présidentielle. Le parti socialiste a bien désigné son candidat officiel en la personne de Benoît Hamon, mais celui est jugé trop critique sur le bilan du quinquennat

Jusqu’à ses derniers instants, le quinquennat de François Hollande aura matérialisé le crash d’une gauche qui tourne le dos à ses principes et ses valeurs dès lors qu’elle accède au pouvoir. À un mois et demi du premier tour de l’élection présidentielle, dans un contexte marqué par la multiplication des affaires, l’incertitude politique et la menace de l’élimination de la gauche dès le premier tour, le président de la République et son gouvernement rechignent toujours à s’engager aux côtés de Benoît Hamon, candidat désigné par la primaire de la gauche dont ils jugent pourtant les orientations trop radicales.

Ancien membre du gouvernement, Benoît Hamon a, il est vrai, rejoint au cours de quinquennat la longue liste des «frondeurs» opposés aux orientations libérales de l’exécutif. Mais, s’il s’inscrit sur une ligne plus à gauche, sa reprise en main du parti socialiste s’inscrit tout de même dans sa pure tradition social-démocrate.

Or, plutôt que de faire leur propre inventaire et de reconnaître leurs turpitudes, les responsables de l’échec du quinquennat François Hollande en tête s’enferment dans les critiques du programme de Benoît Hamon. Le candidat du parti socialiste est tour à tour dépeint comme un député irresponsable, immature voire sectaire. Ses propositions sont moquées, tel le revenu universel –qui serait versé à terme par l’Etat à tous les français à faible revenu– qualifié de «pure utopie» irréalisable par les caciques de son camp. Avec Hollande et sa bande, la gauche n’a plus besoin d’utopie mais avance uniquement par pragmatisme. C’est d’ailleurs ce qui a poussé les plus droitiers d’entre eux –«pragmatiques» diront-ils–à rejoindre rapidement les rangs d’Emmanuel Macron, ancien ministre «socialiste» qui présente désormais une candidature «de droite et de gauche» dans laquelle se rassemble une flopée de visions contradictoires. C’est notamment le cas de l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoe, social-libéral assumé mais cadre du PS depuis plusieurs décennies, ou encore du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian qui pourrait annoncer son ralliement à Emmanuel Macron dans les prochains jours.

Tel un éditorialiste en son palais, François Hollande s’est contenté de commenter ces départs depuis l’Elysée, sans même essayer de sauver un camp qu’il aura méticuleusement démantelé au fil des ans. A la veille d’une rencontre avec plusieurs dirigeants européens, le président de la République a pris le soin de réunir la presse en début de semaine pour s’inquiéter publiquement de la montée du Front national dans les sondages, comme si son action y était parfaitement étrangère.

De même, quelques jours plus tard, François Hollande a déploré devant ses ministres la faiblesse de la campagne électorale. «La qualité est assez basse. Les Français ne s’y retrouvent pas pour l’instant. Ils pensent qu’on ne s’occupe pas de leurs préoccupations. Et les partis de gouvernement se trouvent dans une situation difficile parce qu’ils ne parviennent pas à trouver les bons arguments» a ainsi déclaré le président, évacuant là aussi sa responsabilité dans le cataclysme politique qui s’annonce.

D’autres poids lourds du gouvernement observent la même attitude. Refusant de rejoindre une campagne qu’ils jugent trop critiques à l’égard de leur action, le Premier ministre Bernard Cazeneuve ou le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll se retrouvent dans une situation improbable en refusant de soutenir clairement la candidature de Benoît Hamon après avoir dénoncé l’absence de loyauté des frondeurs pendant tout le quinquennat.

Pour trouver leur place dans cette campagne inédite, ces ministres ont décidé ainsi de concentrer leurs attaques sur le programme du Front national de Marine Le Pen. Quitte à nier le fait que la meilleure réponse à la diffusion des idées d’extrême-droite est la réalisation d’un projet de gauche.