Antton Rouget
Journaliste
ELECTION PRESIDENTIELLE

Le départ de Valls chez Macron place le PS au bord de l’explosion

Bien qu’attendu, le départ officiel de Manuel Valls chez Emmanuel Macron a eu l’effet d’une bombe. Au nom de la clarification idéologique, l’ancien Premier ministre a achevé l’entreprise de division de la gauche orchestrée par le président François Hollande. Esseulé et menacé sur sa droite et sur sa gauche, le parti socialiste est au bord de l’explosion

L’étau se resserre autour de Benoît Hamon. À moins de trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle française, le candidat officiel du parti socialiste est plus que jamais pris en tenaille par ses adversaires politiques. Sur sa droite, l’improbable candidature d’Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Economie de François Hollande, aujourd’hui porte-voix de la doxa libérale de Bruxelles, ne cesse d’agréger les ralliements de poids lourds du gouvernement socialiste. Après le soutien du puissant ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian la semaine dernière, c’est l’ancien Premier ministre Manuel Valls qui a annoncé mercredi publiquement qu’il appelait à voter pour Emmanuel Macron contre le candidat désigné par son propre camp. Une situation inédite qui place le parti socialiste au bord de l’explosion.

Bien qu’attendu depuis plusieurs jours, le choix de Manuel Valls a eu l’effet d’une bombe dans les rangs socialistes. D’abord, parce que beaucoup de cadres et militants ont rappelé à l’ancien Premier ministre qu’en se présentant à la primaire de la gauche début janvier, il s’était engagé à en respecter le résultat et à soutenir le vainqueur sorti des urnes.

Mais le départ de Manuel Valls chez Emmanuel Macron apparaît aussi comme le révélateur des divisions extrêmes de la gauche à la fin du quiquennat de François Hollande. Parti en 2012 d’une majorité très large allant jusqu’aux écologistes –et la bienveillance d’une partie des communistes– le président de la République s’est inexorablement isolé au fil des ans et des renoncements successifs.

Le PS a toujours vécu en jonglant avec des sensibilités politiques très différentes en son sein. Grand spécialiste de la synthèse, François Hollande n’a pourtant pas pu tenir le grand écart tant les choix politiques et économiques de sa majorité ont différé de ses promesses électorales.

D’où le départ du gouvernement et la candidature d’Emmanuel Macron, candidat décomplexé des orientations libérales non-assumées de François Hollande. Et aujourd’hui la “clarification” opérée par plusieurs de ses ministres en se dissociant du candidat officiel du parti socialiste jugé trop contestataire.

Frondeur à l’Assemblée nationale après avoir démissionné de son poste de ministre de l’Education nationale, Benoît Hamon ne peut, en pleine campagne électorale, que se résoudre à tenter de recoller les deux bouts : le socle électoral du parti socialiste - qui l’a désigné à la primaire et reste très critique à l’égard du quinquennat - et les cadres et ministres du parti qui sont les premiers responsables de cet échec cuisant.

L’exercice s’apparente cependant à un numéro d’équilibriste impossible : s’il va trop à gauche, Benoît Hamon sait qu’il se risque aux départs massifs de responsables de son parti chez Macron. Et à l’inverse, le candidat socialiste est clairement menacé sur sa gauche. Le porte-parole de “La France Insoumise” - marque du Front de gauche et des communistes, Jean-Luc Mélenchon qui ne cesse de grimper dans les sondages (autour de 15%) multiplie en effet les appels à la base la plus contestataire des électeurs du PS.

Bloqué par ces tiraillements, Benoît Hamon s’enfonce impitoyablement dans les sondages, tandis que Marine Le Pen et François Fillon résistent.

À trois semaines du premier tour de l’élection, l’hypothèse selon laquelle l’élection présidentielle viendra scinder l’électorat de gauche autour de deux blocs (et deux projets politiques) nettement définis - ceux d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon - est ainsi plausible. Cette clarification idéologique serait clairement salutaire tant les renoncements successifs ont affaibli la gauche face à l’extrême-droite. Mais au lendemain des élections législatives (qui se dérouleront dans la foulée de la présidentielle), l’exercice pourrait aussi signer l’explosion du par