Antton Rouget
Journaliste
ELECTION PRESIDENTIELLE

Macron poursuit l’émettiement du panorama politique français

Le nouveau président de la République vient de nommer son gouvernement de coalition en piochant dans ce qu’il reste du parti socialiste mais surtout en récupérant plusieurs représentants de la nouvelle génération de cadres à droite. De quoi finir de déstabiliser Les Républicains à moins d’un mois d’élections législatives cruciales.

C’est une maxime en forme de boussole pour Emmanuel Macron : diviser pour mieux régner. Après avoir provoqué l’explosion du parti socialiste et de ses alliés écologistres au cours de la campagne électorale, le nouveau président de la République –élu dans un fauteuil face au Front national– s’est méthodiquement attelé depuis son élection à finir de mettre en miettes le reste du panorama politique français.

Lundi, la nomination du maire du Havre Edouard Philippe, un fidèle soutien d’Alain Juppé, a marqué une nouvelle étape de sa conquête des secteurs les moins radicaux des droites libérales et conservatrices réunies au sein du mouvement Les Républicains (ex-UMP). Et Mercredi, Emmanuel Macron a joué aux équilibristes afin de présenter un gouvernement des plus consensuels. Un peu à droite, un peu à gauche, mais pas trop. Des centristes par là, avec des représentants de la «société civile». De l’expérience, une poignée de jeunes. Et une parité exacte entre hommes et femmes, sauf pour les ministères régaliens (quatre hommes pour une femme).

Cette attelage improbable présente au moins une vertu immédiate. Celle de contenter à peu près tout le monde, à moins d’un mois d’élections législatives décisives en vue de constituer une majorité.

Car si Macron a remporté la présidentielle en décimant la droite et la gauche, rien ne dit que ces électorats ne se remobiliseront pas dans un désir de revanche face à un président qui assume de plus en plus ses penchants néo-libéraux. Sans majorité absolue à l’Assemblée nationale en juin, Emmanuel Macron serait forcé à la cohabitation. Il met donc tout en oeuvre pour incarner le discours suivant : face à l’extrême-droite, c’est moi ou le chaos. L’enjeu consiste dès lors pour lui à donner des gages aux millions d’électeurs qui l’avaient soutenu à la présidentielle dans le seul objectif de barrer la route à Marine Le Pen. La nomination du militant écologiste Nicolas Hulot –au coeur de l’organisation de la COP21 à Paris– apparaît ainsi comme un signal pour une partie de l’électorat de gauche outrée par la forte présence de personnalités de droite au sein de l’exécutif.

La nouvelle garde Les Républicains ayant accepté de rejoindre le gouvernement truste en effet les postes clefs. Et notamment les lieux de décisions économiques. Dans le sillage d’Edouard Philippe, l’ancien ministre de l’Agriculture du gouvernement Fillon, Bruno Le Maire a ainsi été nommé ministre de l’Economie tandis que l’ancien porte-parole de Nicolas Sarkozy Gérald Darmanin le seconde au ministère des Comptes publics. De belles prises qui –dans un gouvernement également composé de centristes (le maire de Pau François Bayrou accédant à la fonction de garde des sceaux) et de droitiers du PS (l’ancien ministre de François Hollande Jean-Yves Le Drian reste par exemple ministre)– ont comme prévu totalement destabilisé la droite.

Dès mercredi soir, le secrétaire général du parti Les Républicains Bernard Accoyer a annoncé l’exclusion de Philippe, Le Maire et Darmanin. Mais, au sein de sa direction comme à sa base, le mouvement est déjà scindé en deux camps irréconciables : celui -–modéré– considérant qu’il faut gouverner avec Emmanuel Macron face à ceux qui ne veulent pas en entendre parler.

Ce nouvel exécutif apparaît ainsi d’une justesse tactique imparable pour remporter une majorité des sièges aux législatives. Pour gouverner, cela sera nettement plus compliqué. Les difficultés à maintenir une cohérence politique apparaissent déjà comme infranchissables. Si la question européenne rassemble l’ensemble des membres du gouvernement, des divergences notables divisent déjà les uns et les autres sur la politique de grands travaux, la gestion des finances publiques ou encore l’application discontinue de l’état d’urgence.